Les manifestations qui embrasent l'Iran entrent dans leur troisième semaine. Elles ont débuté le 16 septembre, le jour où Mahsa Amini, arrêtée pour un voile mal porté, est tuée pendant sa garde-à-vue par la police des moeurs.
Le drame a été le catalyseur de révoltes, qui éclatent depuis lors dans toutes les provinces du pays, et que le gouvernement théocratique de la République islamique d'Iran essaie d'étouffer. L'un des outils utilisés par la répression a été la coupure d'internet et des réseaux sociaux. Une arme puissante, certes, mais qui ne va pas nécessairement calmer la colère d'un peuple.
Cette mesure avait déjà été utilisée en 2019. A l'époque, le pays était en pleine crise économique, et les Iraniens protestaient contre l'augmentation du prix du carburant, annoncée par les autorités. Ils ont pris pour cible la République islamique et ses plus hauts dignitaires.
Aujourd'hui, l'objectif reste le même. Car en restreignant drastiquement l'accès à internet et, de ce fait, aux réseaux sociaux, les dirigeants bloquent le principal vecteur d'images et ralentissent la communication entre les manifestants. Mais couper les accès à la population n'empêchera pas la contestation et les révoltes. La mobilisation et les manifestations dans les rues auront lieu.
Dans les faits, est-ce qu'on peut vraiment priver tout un pays d'internet?
Seuls trois opérateurs font office de point d'entrée, tous contrôlés par le gouvernement. Il n'y a donc pas de liberté du marché, contrairement à la Suisse, par exemple. En effet, on imagine mal le Conseil fédéral décider quel fournisseur a le droit, ou non, de «distribuer internet».
En Iran, la coupure reste cependant partielle. Dans les grandes entreprises et aux plus hauts niveaux, internet fonctionne encore. Les fournisseurs ont simplement coupé à la population les accès à YouTube, Facebook, Instagram ou encore WhatsApp.
D'autres pays, comme la Chine par exemple, sont en mesure de réaliser de telles manoeuvres, car dotés de deux internets, un national et un mondial, permettant ainsi de contrôler les échanges avec le reste du monde. Les gouvernements peuvent couper les liaisons à tout moment, tout en permettant à la population de continuer à échanger, via ce fameux réseaux national.
Thomas Jammet précise qu'il existe des géants chinois du numérique, qui sont des copies des GAFA (Google, Apple, Facebook et Amazon). Ici, l'intention de Pékin est de verrouiller le pays pour développer puissamment et massivement ses propres entreprises du numérique, comme le smartphone Huawei, qui fournissent des services dont les contenus sont accessibles au Parti communiste au pouvoir. Une manière de faire – la Chine est un cas extrême – qui oblige les habitants à partager toutes leurs informations personnelles au gouvernement central.
Autre exemple, celui de la Corée du Nord. Le procédé – et le but – restent les mêmes: «Pyongyang n'a aucune envie que les citoyens puissent voir ce qui se passe à l’extérieur. S'ils laissaient libre accès aux médias étrangers, les gens se poseraient des questions», souligne le sociologue.
Si les méthodes utilisées par ces gouvernement se ressemblent, l'utilisation d'internet par les Iraniens et les Chinois n'est pas comparable. En effet, le blocage à long terme est impossible pour deux raisons principales. «Premièrement, on ne peut pas contrôler les installations de réseaux privés virtuels (VPN) par la population. Secondement, l'Union européenne et l'ONU font déjà pression et exigent un rétablissement immédiat», explique-t-il.
L'écho mondial de la révolte iranienne est une menace pour le gouvernement. Les images sont déjà arrivées en Occident et, comme lors des printemps arabes de 2011, les contestations auront lieu malgré les efforts pour y mettre fin. «Jusqu'à fin 2010, en Tunisie notamment, la censure d'internet complexifiait l'organisation des manifestations, précise Thomas Jammet. Mais Facebook n'a pas fait la révolution. La colère était déjà présente et le web a permis de l'accélérer.» En conclusion: