C'est un climat particulièrement tendu qui a rythmé la nuit du lundi 24 au mardi 25 juillet, à Jérusalem. Des centaines de personnes ont bloqué l'entrée de la Knesset, le Parlement israélien. Les routes de l'entrée de la ville ont également été entravées de Tel-Aviv à Kfar Saba.
Pour disperser ces manifestants, la police a usé d'un stratagème habituellement réservé aux Palestiniens: «elle a actionné ses canons à eau putride et dont l’odeur âcre colle à la peau», rapporte Le Monde. Selon France 24, au moins 19 personnes ont été arrêtées en quelques heures.
Les rassemblements houleux à Jérusalem durent en réalité depuis des mois. Ils ont, pour ainsi dire, débuté en janvier – moment de l'annonce d'un projet de réforme judiciaire. Cette dernière englobait plusieurs lois visant à restreindre la capacité d'action de la Cour suprême.
A l'approche des votes, les oppositions n'ont cessé de s'intensifier. Incitant même le ministre de la Défense de Netanyahou, Yoav Gallant, a appelé, à plusieurs reprises, à l'ajournement de la votation de la réforme.
Mais la résistance a atteint son paroxysme, ce lundi 24 juillet, après que 64 députés sur 120 ont finalement voté: la nouvelle loi a été acceptée.
Pour Benjamin Netanyahou et ses partisans, la réforme judiciaire a un but principal: rééquilibrer les pouvoirs entre les branches du gouvernement. La doctrine s'inspire d'un certain nombre d'autres pays, dont le Royaume-Uni, le Canada et l'Australie, explique CNN.
Les tribunaux de ces Etats l'utilisent généralement pour déterminer la constitutionnalité ou la légalité d'une législation donnée. Cette loi permet alors aux juges de s'assurer que les décisions prises par les agents publics sont «raisonnables».
Du côté d'une dizaine d’organisations à la tête des manifestations, on exige «le retrait pur et simple» de ce qui s'avérerait être «une menace pour la démocratie israélienne». Car avec cette nouvelle loi, la plus haute et unique juridiction du pays ne pourra plus juger une décision du gouvernement ou de certains ministres comme illégal, explique t-online.
Les critiques craignent, par conséquent, que la disparition de cet important contrepoids n'encourage la corruption et donc le pourvoi arbitraire de postes importants, tout en facilitant par ailleurs les licenciements abusifs.
Les opposants redoutent, enfin, que la réforme ne profite plus particulièrement à Netanyahou. Le premier ministre israélien pourrait l'utiliser afin de se protéger de son propre procès, dans lequel il fait face à des accusations de fraude, de corruption et d'abus de confiance.
En faisant passer sa loi cherchant à affaiblir la Cour suprême, la Knesset s'est mise en porte-à-faux avec Joe Biden. Le Washington Post rappelle que le président américain avait en effet exhorté Netanyahou à ne pas le faire sans d'abord parvenir à un consensus. L'entente entre les deux alliés semblent néanmoins maintenues:
Dans l'heure qui a suivi l'approbation de la réforme, trois pétitions exigeant son rejet ont été déposées auprès de la Cour par des organisations de défense des droits civiques, rapporte Le Monde. Si le rejet était acté, cela constituerait un cas inédit puisque «jamais les juges [d'Israël] n’ont invalidé un amendement voté par les élus à une Loi fondamentale». Le risque étant d'entrer en conflit avec le gouvernement et de conduire le pays à une crise constitutionnelle, comme l'explique le quotidien français.
Dans le même temps, la résistance au sein de l'armée a également augmenté. Plus de dix mille réservistes ont annoncé abandonner leur service, si certains des plans controversés étaient approuvés. Alors, dans la soirée du 24 juillet, Benyamin Netanyahou s'est exprimé sur les réseaux sociaux. Refusant de céder aux menaces des réservistes, il a cependant assuré vouloir renouer le dialogue avec l’opposition:
Alors que Netanyahou laisse planer la possibilité d’un compromis avec l’opposition sur le texte, le président Isaac Herzog s’active entre les partis pour garantir l'unité nationale. D'après Le Monde, les médias du pays prédisent un délai de plus d’un an avant que le reste de la réforme ne soit présenté. (mndl)