Une phrase prononcée par Emmanuel Macron mardi en conseil des ministres indigne dans la communauté juive française. Selon le quotidien Le Parisien citant des témoins directs, le président de la République a dit:
Cette déclaration est à replacer dans le contexte de la guerre entre Israël et le Hezbollah au Sud-Liban, où 10 000 casques bleus de la Finul, dont 700 Français, font office de force d’interposition. Le gouvernement israélien accuse les soldats de l’ONU de servir de bouclier aux combattants du Hezbollah, compliquant l’action militaire de Tsahal.
Dans les jours précédant sa déclaration de mardi, Emmanuel Macron, qui se pose en protecteur du Liban, pays autrefois sous mandat de la France, avait jugé «tout à fait inacceptables» des tirs récents de l’armée israélienne visant des positions de la Finul.
Les propos du chef de l’Etat français se rapportant à la création d’Israël ont été interprétés par certains comme une «remise en cause» de l'Etat hébreu. Mardi, le président du CRIF (Conseil représentatif des juifs de France), Yonathan Arfi, a posté sur X:
Le dessinateur Joann Sfar, auteur de la série «Le chat du rabbin», a réagi par un dessin publié sur son compte Instagram, qui fait dire à Emmanuel Macron:
La déclaration d’Emmanuel Macron, on le voit, ouvre la porte à diverses interprétations. Pour Valérie Kokoszka, docteure en philosophie, qui s’est exprimée sur X:
Le premier ministre israélien Benyamin Netanyahou a répondu à Emmanuel Macron dans un communiqué: «Un rappel au président de la France: ce n'est pas la résolution de l'ONU qui a établi l'État d'Israël, mais plutôt la victoire obtenue dans la guerre d'indépendance avec le sang de combattants héroïques, dont beaucoup étaient des survivants de l'Holocauste – notamment du régime de Vichy en France.»
Les mots d’Emmanuel Macron ont quelque chose de déstabilisant en ce qu’ils peuvent accréditer l’idée, soutenue par les ennemis d’Israël, que l’Etat hébreu est une création artificielle sans profondeur historique. C’est bien ainsi qu’ils sont compris par ceux qui font valoir à l'inverse «la légitimité du peuple juif» à disposer d’un Etat en Terre sainte.
Son de cloche différent du côté des diplomates français. L’ancien ambassadeur de France aux Etats-Unis, Gérard Araud, s’oppose aux thèses selon lesquelles l’ONU n’est pas à l'origine de la création d’Israël. Sur X, il affirme:
Israël a vu le jour en 1948 sur la base du plan de partage de la Palestine mandataire accepté le 29 novembre 1947 à New York par l’Assemblée générale des Nations Unies. Deux Etats sont alors créés: l’un, juif, l’autre, arabe. La partie arabe rejette immédiatement les effets de ce vote.
Pour ce membre de la communauté juive de Suisse qui tient à garder l’anonymat, «ce qu’a dit Emmanuel Macron est factuellement exact. L’Etat d’Israël a bel et bien été créé par l’ONU en 1947, mais c’est le sens de cette déclaration, dans un contexte extrêmement tendu, qui peut interroger.»
Notre interlocuteur tente de comprendre les motivations du chef de l’Etat français.
Pour l’avocat français Gilles-William Goldnadel, intervenant régulier de la chaîne CNews, Emmanuel Macron «au plus bas dans les sondages (...) a l'illusion d'exister, en posant et s’imposant», en cherchant peut-être à regagner dans les «banlieues» la popularité qui lui manque.