Lorsque Giorgia Meloni est entrée dans la salle du sommet des 27 chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne la semaine dernière, sa colère se lisait sur son visage. Il était clair que la présidente du Conseil des ministres italiens n'était pas d'humeur à plaisanter. «Pas comme ça, chers amis!», semblait-elle vouloir dire.
Lors de la répartition des futurs emplois de haut niveau dans l'UE, la cheffe du gouvernement italien avait été radicalement ignorée. Ursula von der Leyen était élue à la tête de la Commission européenne, la première ministre estonienne Kaja Kallas comme représentante aux Affaires étrangères et l'ex-premier ministre portugais Antonio Costa au poste de président du Conseil de l'UE. En petit comité, le chancelier allemand Olaf Scholz, le président français Emmanuel Macron et le chef du gouvernement polonais Donald Tusk s'étaient concertés. Giorgia Meloni a donc été mise devant le fait accompli. Et elle ne pouvait pas l'accepter.
Après tout, elle avait accueilli deux jours auparavant le grand sommet du G7 à Bari avec le président américain Joe Biden. Toujours est-il que, contrairement à Olaf Scholz et Emmanuel Macron, elle est la seule cheffe de gouvernement d'un grand pays de l'UE à être solidement installée au pouvoir. Pour rappel, elle a remporté haut la main les élections européennes avec son parti Fratelli d'Italia.
Finalement, Giorgia Meloni a fait échouer le sommet. L'accord rapide espéré n'a pas été conclu. Emmanuel Macron a manqué le match de l'équipe de France et les 27 chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE sont repartis bredouilles après une longue réunion. Ce jeudi 27 juin, ils se réuniront à nouveau à Bruxelles pour tenter de trouver une solution. Et cette fois-ci, la première ministre italienne veut avoir son mot à dire.
Un an après son élection, Giorgia Meloni est déterminée à faire valoir son influence. Bien que beaucoup se méfient encore d'elle et que l'étiquette de «post-fasciste» lui colle à la peau, les chiffres parlent pour elle. Avec Meloni, les Conservateurs et réformistes européens (CRE) sont devenus la troisième force au Parlement européen. Ils ont même dépassé les libéraux de Macron et selon les règles non écrites de l'UE, ils auraient donc droit à un poste décisionnel.
Mais surtout, il devient de plus en plus difficile pour Ursula von der Leyen d'être élue au Parlement européen sans le soutien du groupe Meloni. La majorité des démocrates-chrétiens, des socialistes et des libéraux s'est fragilisée. Résultat: Giorgia Meloni est devenue une figure politique incontournable en Europe.
Reste à savoir ce qu'elle réclamera lors du sommet de Bruxelles. Les observateurs ne s'attendent pas à ce qu'elle bouleverse une nouvelle fois l'ensemble du tableau des personnalités de l'UE. Elle peut certes perturber le processus dans une certaine mesure, mais il est totalement irréaliste de trouver une majorité pour la placer à la tête de l'UE.
La cheffe du gouvernement italien est suffisamment réaliste pour savoir qu'elle ne peut avoir de l'influence que si elle ne se met pas à dos les autres chefs de gouvernement. Il se peut qu'elle s'entende bien avec le premier ministre hongrois Viktor Orban et qu'elle soit sur la même longueur d'onde politique. Mais elle n'a pas envie de suivre son exemple et de se retrouver dans l'isolement politique.
Le plus probable est donc que Giorgia Meloni commence par revendiquer pour l'Italie un poste central dans la hiérarchie des fonctionnaires bruxellois. Par exemple avec la vice-présidence de la Commission européenne aux côtés d'Ursula von der Leyen. Raffale Fitto, actuel ministre des Affaires européennes et ancien compagnon de parti de Silvio Berlusconi, se porte officiellement candidat au poste, d'après les médias italiens.
Une autre spéculation est que, pour apaiser Giorgia Meloni, les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE pourraient laisser à l'Italie le poste de président du Conseil de l'UE. Mais plutôt en la personne de l'ex-Premier ministre Enrico Letta, issu du camp de l'opposition sociale-démocrate. Ce serait un cadeau empoisonné, mais difficile à refuser.