Le raz-de-marée était programmé depuis le 18 décembre. D'ici «14 jours» au plus tard, soit le 2 ou 3 janvier 2024, des personnalités associées de près ou de loin au criminel sexuel Jeffrey Epstein allaient tomber dans le domaine public. Près de 200 personnes, jusque-là protégées par des numéros et un pseudonyme, «Doe», condamnées à sortir du confort de leur anonymat. Depuis cette nuit, c'est chose faite.
Si ces 1000 pages de documents judiciaires ne contiennent de prime abord «aucune révélation explosive», selon la chaîne CNN qui les a passées au crible, c'est la première fois qu'ils sont rendus publics. Parmi eux, des extraits de déposition de Ghislaine Maxwell, ancienne mondaine, complice et maîtresse de Jeffrey Epstein, condamnée en 2021 pour trafic sexuel sur mineures, mais aussi ceux de victimes présumées, dont l'Américaine Virginia Giuffre ou la Suédoise Johanna Sjoberg.
Plusieurs noms de personnalités éminentes apparaissent effectivement au fil des dépositions, emails et autres sources judiciaires. La plupart déjà connus du grand public. Le prince Andrew, évidemment, ou encore le mannequin français décédé Jean-Luc Brunel, tous deux connus et reconnus pour leurs liens d'amitié avec le milliardaire.
Le financier, qui disposait de puissants réseaux économiques et politiques aux Etats-Unis et à l'étranger, comptait également parmi ses contacts «un premier ministre bien connu» et des «dirigeants mondiaux», dont deux anciens présidents américains, Bill Clinton et Donald Trump. Tous deux cités.
Si Donald Trump, dont l’association passée avec Jeffrey Epstein a été largement documentée, n'est pas accusé d'actes répréhensibles, les passages consacrés à Bill Clinton sont plus sensibles.
Il ressort notamment des dépositions que le démocrate aurait déjeuné à plusieurs reprises à bord de l'avion du criminel sexuel et se serait rendu sur son îlot privé des Îles Vierges. L'intéressé a toujours catégoriquement nié son implication avec Jeffrey Epstein, avec lequel il affirme avoir coupé les ponts en 2005.
Apparaissent également au fil des pages des investisseurs, d'éminents avocats, des professeurs d'université, des hommes d'affaires et des personnalités politiques, dont le milliardaire américain Glenn Dubin, le gourou de la technologie Marvin Minsky, l'ancien gouverneur du Nouveau-Mexique Bill Richardson, ou encore le richissime philanthrope Thomas Pritzker.
Figurent également les noms de personnalités bien connues, dont Michael Jackson, qui se serait rendu au manoir de Jeffrey Epstein à Palm Beach, ou encore le célèbre magicien David Copperfield, qui a animé certaines de ses soirées à son domicile.
On lit également que Jeffrey Epstein, qui appréciait afficher ses liens d'amitié avec des stars, s'est vanté de ses relations avec des acteurs comme Cate Blanchett, Leonardo DiCaprio et Bruce Willis. Les sources judiciaires ne fournissent toutefois aucune preuve que les célébrités en question l'aient vraiment connu.
Plus surprenante, en revanche, est la mention du scientifique Stephen Hawking dans un email adressé par Jeffrey Epstein à Ghislaine Maxwell. Le financier se propose d'offrir de l'argent à quiconque trouvera la preuve que le scientifique n'avait pas participé à une «orgie avec des mineures». Il n'existe aucune preuve que le physicien, dont la présence sur l’île de Jeffrey Epstein à l'occasion d'un colloque scientifique est connue depuis 2015, aurait commis des actes répréhensibles.
C'est le cas de la plupart des personnes figurant sur la «liste d'Epstein». Parmi les noms cités, la majorité ne sont pas des complices avérés, plutôt d'anciens associés, témoins ou victimes. A défaut d'une révélation explosive, ces documents dévoilent surtout l'ampleur du réseau que Jeffrey Epstein a tissé au fil des années avec des hommes puissants - ainsi que la nature «décontractée» des relations qu'il partageait avec eux.
Le reste de la levée des scellés devrait avoir lieu dans les prochains jours, après avoir été examiné par les avocats impliqués dans le litige. Il est toutefois peu probable que, plus de quatre ans après la mort de Jeffrey Epstein par pendaison dans sa cellule, de nouvelles pièces appuyant la thèse des obsédés d'un vaste complot mondial.