Ce 18 décembre devait être un jour de fin d'année comme les autres, pour les super-riches et autres membres influents de la bonne société new-yorkaise. Une journée dépensée en shopping sur la Cinquième Avenue, peaufinage du menu de Noël, départ en vacances vers les Maldives ou l'île Moustique. Sauf que la juge fédérale Loretta Preska en a décidé autrement. Ce 18 décembre, sa promesse de desceller des documents judiciaires sur Jeffrey Epstein a fait sensation dans l'élite américaine.
Le descellement intervient sur demande du quotidien Miami Herald dans le cadre du procès entre Virginia Giuffre, victime présumée de Jeffrey Epstein, et Ghislaine Maxwell, sa maîtresse et femme de main. Une affaire réglée en 2017, mais dont les documents sont depuis restés protégés par le sceau du secret.
Pour rappel, la mondaine est accusée d'avoir recruté l'adolescente, âgée de 16 ans au moment des faits, pour des services sexuels auprès de Jeffrey Epstein et d'un certain nombre de ses éminents associés. Parmi eux, un certain prince Andrew, qui a nié les allégations d'abus sexuel de Virginia Giuffre à plusieurs reprises. Le procès pour agression sexuelle qui l'oppose à l'Américaine a été réglé l'an dernier.
Quant à Ghislaine Maxwell, elle purge aujourd'hui une peine de 20 ans de prison, après avoir été reconnue coupable de trafic sexuel et de recrutement de jeunes femmes pour assouvir les pulsions sexuelles de son sinistre amant.
L'ère de la discrétion touche à sa fin. Ce lundi, la juge Loretta Preska a annoncé la levée des scellés liés au procès entre Maxwell et sa victime. Et il faut admettre que son timing a tout d'une douloureuse résolution, pour les 170 personnes citées des documents judiciaires: la levée aura lieu le 1er janvier 2024. Une manière assez désagréable d'entamer la nouvelle année pour ces individus qui avaient réussi, jusqu'à présent, à dissimuler leur passé commun avec le milliardaire, décédé il y a quatre ans dans sa cellule.
Virginia Giuffre n'a pas tort: être associé à Jeffrey Epstein est rarement gage de bonne publicité. Ce n'est pas le prince Andrew qui dira le contraire.
Nous savons que, de son vivant, le milliardaire s'était fait une spécialité de s'attirer les faveurs des hommes puissants de la politique, des affaires et de la jet-set. Donald Trump, Bill Clinton et Kevin Spacey se sont notamment envolés à bord de son jet privé. Et bien qu'ils n'aient pas été accusés d'actes répréhensibles, bichonner ses liens avec un pédophile est rarement aisé à justifier.
Parmi ces 170 personnes toutefois, toutes ne doivent pas s'inquiéter de ce descellement imminent. D'abord, parce qu'on ignore à quel point ces documents judiciaires regorgent de détails croustillants. La juge Loretta Preska a précisé que la plupart des allégations n'étaient «pas salaces» et que de nombreux documents s'avèrent tout simplement «inoffensifs».
Sans compter que cette liste ne contient pas que des amis et associés de Jeffrey Epstein. On y trouvera également des journalistes, d'anciens employés, des policiers, des procureurs et des victimes des abus sexuels.
Selon le Daily Beast, certains documents devraient notamment inclure les noms de Johanna Sjoberg, mannequin suédoise qui affirme avoir été pelotée par le prince Andrew chez Jeffrey Epstein, en 2001; Doug Band, l'ancien conseiller de l'ancien président Bill Clinton, ou encore Cathy et Miles Alexander, anciens gérants de la résidence d'Epstein aux îles Vierges américaines.
Rares seront ceux, parmi les 170 personnes citées au fil des pages du dossier, qui pourront échapper à la publication publique de leur nom. Bien que les principaux concernés se soient vus accorder un répit de 14 jours pour faire appel de la décision, les voilà prévenus par la juge Preska: la crainte d'une «publicité négative», d'être «embarrassé», «exposé aux médias» ou encore «entraîné dans une association malheureuse avec Jeffrey Epstein ou Ghislaine Maxwell» ne constituera en aucun cas un motif nécessaire pour être exempté.
Seuls les noms de quelques accusatrices – identifiées dans les documents comme «Jane Does» - devraient rester caviardés.
Parmi ces 170 inconnus, on sait déjà qu'une femme supplie pour que son identité reste secrète. Une certaine «Doe 107» («Inconnue 107»), une probable victime d'Epstein qui vivrait hors des Etats-Unis. Son avocat, Richard Levitt, a d'ores et déjà affirmé que son identification «pourrait la mettre en danger de mort dans son pays d'origine culturellement conservateur», où «les crimes d'honneur constituent un risque réel».
Une identification si sensible que les parties du procès et le Miami Herald ont déjà accepté de supprimer son nom dans les entrées du dossier que le tribunal a ordonné de desceller. Une exception décidée sur la base «des circonstances spécifiques à Doe 107» et qui, par ailleurs, «ne s'étend pas aux autres prétendues victimes vivant dans des pays sans les mêmes risques de préjudice physique».
En attendant, les Fêtes de fin d'année de plusieurs associés de Jeffrey Epstein prennent une tournure inquiétante, dans l'attente anxieuse de la révélation de leur nom. Et de la fin de la douceur de leur anonymat.