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Comment Joe Biden a piégé les républicains

Comment Joe Biden a piégé les républicains
Joe Biden vient de réaliser le coup politique le plus habile de son mandat présidientiel.Image: Shutterstock

Comment Joe Biden a piégé les républicains

Le président américain a brillamment réussi la délicate mission de plafonnement de la dette.
01.06.2023, 16:5901.06.2023, 17:07
Philipp Löpfe
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Donald Trump se vante d'être le négociateur le plus génial de tous les temps et a même écrit un livre sur le sujet, The Art of the Deal. Dans les faits, le bilan est plus mitigé. Quand il était encore homme d'affaires, il a perdu des milliards dans ses casinos et ses succès politiques sont limités.

Joe Biden n'aurait probablement pas pu faire carrière en tant que vendeur de voitures. C'est un piètre orateur, il s'embrouille régulièrement, semble souvent légèrement confus, trébuche dans les escaliers et tombe de son vélo. Mais ne vous y trompez pas: c'est un stratège de génie. Malgré des conditions très difficiles, il a fait passer plus de lois importantes au Congrès qu'aucun président de l'après-guerre avant lui.

Office of Management and Budget director Shalanda Young speaks during the daily briefing at the White House in Washington, Tuesday, May 30, 2023. (AP Photo/Susan Walsh)
Shalanda Young
Shalanda Young, directrice du budget, a joué un rôle important dans le succès de Biden.Image: keystone

Joe Biden vient de livrer son coup de maître. Mercredi, il a obtenu de la Chambre des représentants qu'elle augmente le plafond de la dette pour deux ans. Le texte doit désormais être adopté par le Sénat, qui devrait se prononcer rapidement. Une catastrophe est ainsi évitée pour les Etats-Unis et l'économie mondiale. Mais tout d'abord, un bref retour en arrière.

La menace du «shut down»

Le plafond de la dette est une loi que seuls les Etats-Unis connaissent. Elle permet à la Chambre des représentants de voter sur l'approbation a posteriori des dépenses déjà effectuées. Si cette approbation est refusée, les Etats-Unis doivent déclarer faillite et ne peuvent donc plus honorer leurs dettes. Jusqu'à présent, les Américains ont toutefois toujours respecté leurs engagements. C'est pourquoi les obligations d'Etat américaines, les «T-Bonds», sont sans doute l'instrument le plus important sur les marchés financiers.

Le plafond de la dette ne doit pas être confondu avec les négociations budgétaires. Le Congrès peut également refuser d'approuver un budget et le président peut y opposer son veto. Dans ce cas, l'Etat ne peut plus payer ses employés et doit fermer partiellement l'administration. Il peut toutefois continuer à honorer ses obligations envers ses créanciers. Un «shut down» du gouvernement est certes fâcheux, mais il est bien moins catastrophique que le refus de relever le plafond de la dette.

Un compromis nécessaire

Revenons maintenant aux évènements récents. Les républicains ont remporté les élections de mi-mandat, bien moins nettement que ce qui était prévu, mais tout de même. Ils disposent d'une très faible majorité à la Chambre des représentants et donc de l'option de refuser un relèvement du plafond de la dette.

Joe Biden est conscient que, même avec cette très faible majorité, il devrait un jour conclure un accord et que cette affaire serait plus que délicate. En théorie, il existe certes dans le quatorzième amendement de la Constitution un passage qui donne au président la possibilité d'éviter une faillite de l'Etat. Mais cela n'a encore jamais été mis en pratique et Biden n'a guère envie d'être le premier à le faire, surtout avec une Cour suprême dominée par des juges conservateurs.

La stratégie du faible

Le président a donc eu recours à la ruse. Dès janvier, il a fait savoir qu'il n'accepterait en aucun cas un accord visant à relever le plafond de la dette. Il s'agit en effet de régler des dettes qui ont déjà été contractées, en grande partie par son prédécesseur Donald Trump. Dans sa position dure mais compréhensible, Biden a reçu un large soutien de tous les médias non conservateurs et de son parti.

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Le républicain Kevin McCarthy est tombé dans le piège de Joe Biden.Image: keystone

Les républicains ont sagement joué le jeu. Kevin McCarthy, leur chef de file à la Chambre des représentants, a réussi à faire passer une loi qui prévoyait certes un relèvement du plafond de la dette, mais à des conditions que les démocrates n'auraient jamais pu accepter. Cette loi a tout de même permis à McCarthy de se montrer au public en tant qu'homme d'Etat responsable.

Biden a assisté à ces manœuvres pendant des mois, acceptant de passer pour le faible. Il a même semblé céder. Avant de se montrer soudainement prêt à négocier, recevant Kevin McCarthy dans le bureau ovale et envoyant ses deux négociateurs, Steve Ricchetti et Shalanda Young, dans la bataille. Avec succès: ceux-ci sont parvenus à conclure un accord qui permet désormais d'éviter la faillite de l'Etat au dernier moment.

Joe Biden a permis à son adversaire de se présenter aux républicains comme celui qui dirige la partie, en ayant amené le président à négocier et lui ayant imposé sa volonté.

Or, les apparences sont quelque peu trompeuses. Les républicains n'ont, en fait, pas obtenu grand-chose. Quelques coupes dans les prestations sociales, qui seront par ailleurs compensées. Un bref report de l'augmentation du budget de l'administration fiscale et la promesse d'un pipeline que le président américain avait de toute façon promis depuis longtemps à Joe Manchin. C'est tout.

President Joe Biden speaks in the Roosevelt Room of the White House, Sunday, May 28, 2023, in Washington. Biden and House Speaker Kevin McCarthy reached a final agreement Sunday on a deal to raise the ...
Joe Biden a été plus malin que les républicains.Image: keystone

Joe Biden s'en tire bien mieux. Sa pièce maîtresse, le Green Deal, reste intacte, tout comme les améliorations dans le domaine de la santé. Avec cet accord, le démocrate a surtout obtenu d'être tranquille jusqu'à la fin de son premier mandat. Les discussions budgétaires de l'automne prochain sont ainsi déjà en bonne voie. La prochaine discussion sur le plafond de la dette n'agitera pas les marchés financiers avant au moins deux ans.

Bref, avec ce qui semblait être une défaite, Joe Biden a sans doute remporté la victoire la plus importante de son mandat. L'aile gauche est mécontente, certes, mais le président américain détient tant de capital politique chez les progressistes qu'il pourrait bien être pardonné. Chez les démocrates modérés et les électeurs indépendants, en revanche, le président fait figure de pôle de stabilité.

Biden a pu mener son stratagème à bien parce qu'il savait que son adversaire Kevin McCarthy n'aurait jamais pu accepter une faillite de l'Etat. Il lui a donc laissé une porte de sortie avec sa prétendue défaite – l'acceptation de négocier. McCarthy a dû prendre cette voie de sortie, ce qui lui vaudra sans doute bien des ennuis avec son groupe parlementaire.

Le président, en revanche, a un tout autre problème: il doit rester modeste dans son triomphe – et ne pas célébrer sa victoire trop ouvertement.

Traduit et adapté de l'allemand par Tanja Maeder

Joe Biden tombe de son vélo
Video: watson
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