International
Analyse

Biden: un «cinglé» ou un «vieux» pour battre Trump en 2024?

Robert Kennedy Jr. (gauche), neveu de JFK, un comploteur et un brin paranoïaque, qui se présente officiellement pour contrer Joe Biden (droite).
Robert Kennedy Jr., neveu de JFK, un comploteur et un brin paranoïaque, qui se présente officiellement pour contrer Joe BidenImage: getty
Analyse

Faut-il un «cinglé» ou un «vieux» pour battre Trump en 2024?

Les démocrates sont dans une impasse. C'est un récent sondage qui le dit: non seulement la gauche considère que Biden n'est «plus en état» de rempiler, mais il est paradoxalement considéré comme le seul à pouvoir chatouiller Trump en 2024. Un casse-tête auquel s'ajoute la candidature embarrassante du neveu de JFK, comploteur et un brin paranoïaque.
08.05.2023, 18:4609.05.2023, 08:38
Plus de «International»

«Quelqu'un d'autre que Biden.» Une majorité de démocrates aimerait que son parti dégote une alternative au président pour défier Trump en 2024. Malaise!

Un sondage, dévoilé lundi matin par le Washington Post, confirme les rumeurs, les médisances et les déclarations isolées: si Joe Biden, 80 ans, reste le candidat jugé le plus «solide» pour faire la nique au gourou des MAGA, le doute est lourd quant à «sa santé physique et son acuité mentale». Un sale air de déjà-vu. En 2020, l'ancien vice-président avait été précisément plébiscité par son camp pour ses chances de donner un sérieux coup de genou dans l'ascension de l'homme d'affaires. Certes moins marquées qu'aujourd'hui, les craintes concernant son âge étaient déjà sur pas mal de lèvres.

Le sondage paru lundi va plus loin, puisque son âge n'est pas qu'une excuse de façade ou le résultat d'un âgisme primaire. 56% des Américains considèrent qu'il a mal fait son boulot. Parmi eux, 47% «désapprouvent fortement» sa manière d'empoigner sa mission de président des Etats-Unis. Pire, une majorité de citoyens trouve que Donald Trump a globalement mieux géré le porte-monnaie du pays. Ironie du sort, le Covid-19 apparaît comme le bouc-émissaire idéal, épargnant le 45e président d'un bilan catastrophique. Joe Biden, contraint d'attraper le pays à bout de bras en sortie de pandémie, incarne l'incompétent de service. Inflation en tête de gondole.

Si Biden accusera 86 ans à la fin de son deuxième mandat (en cas de réélection), Trump n'est pas non plus un éphèbe de la politique. Pour autant, et même si on a beau s'agacer ici et là des vociférations et gesticulations continuelles du milliardaire de 76 ans, il est considéré comme plus «solide», plus «vif mentalement» et en «meilleure santé» que son meilleur ennemi démocrate.

Enfin, et c'est peut-être la tendance la plus dangereuse pour Joe Biden aujourd'hui, les deux hommes sont dans un mouchoir de poche en ce qui concerne la «fiabilité, la vérité et l'honnêteté». Vu la tonne d'emmerdes judiciaires rencontrée par Trump ces derniers mois, le clan démocrate a du souci à se faire.

Image
the washington post / abc

Sans oublier la lente fuite de deux importantes communautés l'ayant fièrement soutenu en 2020, les électeurs noirs et latinos. Enfin, et comme le Washington Post l'écrit, «Biden est même en train de perdre les banlieusards».

Un coup de sonde qui peut étonner:

63% des Américains considèrent que Trump n'est pas «digne de confiance». Joe Biden? 54%.
Sondage commandé par le Washington Post et ABC.

Pour reprendre la formule du sondage, trouver «quelqu'un d'autre que Biden» revient à frotter une lampe magique ou plonger sa main dans un chapeau infesté de vipères. Du moins à seize mois des urnes. On le sait, Joe Biden n'a pas tant profité de son mandat pour braquer le spot sur de fringuants prétendants démocrates. Et ne pas se représenter aurait fait figure de molle défaite de toute la gauche.

Si les Américains commencent tout juste à mieux connaître Ron DeSantis, gouverneur de Floride, mais aussi terreur des progressistes et alternative républicaine à Donald Trump, du côté démocrate, c'est la foire à l'embarras.

L'antivax et l'inconnue

Dans l'hypothèse d'un retrait (ou plus grave) de son président au dernier moment, Kamala Harris pourrait se retrouver d'un coup sec à un encablure de la Maison-Blanche. Le hic? Une tranche non négligeable de démocrates juge encore son mandat de vice-présidente «décevant», marqué par des «difficultés de communication» et des «périodes de quasi-invisibilité». Il est même tout à fait concevable que si Biden s'accroche autant, c'est pour ouvrir la voie à sa colistière, comme il le brandissait déjà en 2020.

Sinon qui? Le très populaire Bernie Sanders? Il se trouve que le mème aux moufles est encore plus âgé que Biden et a plusieurs fois martelé qu'il ne se représenterait plus jamais. Pour dire, Kamala Harris et Sanders mis à part, seul Pete Buttigieg (actuel secrétaire au Transport) dépassait péniblement les 10% de plébiscite spontané chez les démocrates, en janvier dernier.

Aperçu du sondage de janvier 2022:

Si Joe Biden ne se représente pas, qui préférez-vous voir comme candidat démocrate en 2024?

  1. Kamala Harris - 18%
  2. Pete Buttigieg - 12%
  3. Bernie Sanders - 11%
  4. Gavin Newsom - 9%
  5. Elizabeth Warren - 7%
  6. Alexandria Ocasio-Cortez - 7%
  7. Gretchen Whitmer - 6%

C'est maigre et peu charismatique au niveau national (encore moins dans le reste du monde). Hasard maladroit, deux outsiders absents de cette liste (et donc du coeur des électeurs) sont récemment sortis du bois. Please welcome Marianne Williamson et Robert Kennedy Jr. lancés à deux à l'heure contre Joe Biden, dans le cadre de la primaire démocrate pour 2024.

Marianne, pieds dans le plat

Image
keystone

Marianne Williamson, 70 ans, était déjà en lice en 2019. Une candidature jugée très «excentrique» par les électeurs, qui ne lui avaient offert qu'un pénible 1%. La politicienne s'était notamment fait un petit nom sur Twitter en invoquant les forces de l'esprit pour venir à bout de l'ouragan Dorian qui dévastait les Bahamas.

«Que des millions d'entre nous voient Dorian se détourner des côtes n'est pas une idée de cinglés; c'est employer de façon créative le pouvoir de l'esprit»
Marianne Williamson, en 2019

Si cette auteure du best-seller ésotérique Un retour à l'amour, sorti dans les années 1990, n'est pas la plus connue, elle n'est pas non plus la candidate la plus embarrassante.

Un Kennedy gênant

LOS ANGELES, CA - JANUARY 21: Actress Cheryl Hines and Robert Kennedy Jr. attend the 24th Annual Screen Actors Guild Awards at The Shrine Auditorium on January 21, 2018 in Los Angeles, California. (Ph ...
Robert Francis Kennedy Jr. et sa troisième épouse , l'actrice Cheryl Hines.Image: FilmMagic

Robert Francis Kennedy Jr., 69 ans, trimballe avec la même ampleur un patronyme populaire et une réputation qui fait pouffer jaune tous les démocrates des Etats-Unis. Bien sûr, sa destinée est jalonnée de drames: son père et son oncle iconique ont été assassinés coup sur coup dans les années soixante et sa première femme, Mary, s’est suicidée chez eux à Bedford, dans l'Etat de New York. Ce qui n'a pas empêché Robert de dédier toute son énergie à des causes un chouïa nauséabondes.

Pour faire simple, cet avocat cumule les casseroles au rythme que l'actualité. Féroce figure des anti-vaccins à l'arrivée du Covid-19, il en a fait le combat d'une vie, en collectionnant les déclarations et documentaires controversés. Peut-être même l'un des meilleurs buteurs, puisqu'il fait partie des 12 personnes à l'origine de 65% des fake news, sur les réseaux sociaux, aux Etats-Unis.

Comme beaucoup de comploteurs, Robert Kennedy Jr. a, par exemple, cru bon de comparer les mesures sanitaires «à celles prises contre les Juifs» dans les années 1940.

Et ça sent le complot:

«Les gouvernements aiment les pandémies, et ils aiment les pandémies pour les mêmes raisons qu’ils aiment la guerre. Parce qu’elle leur donne la possibilité d’imposer à la population des contrôles que celle-ci n’accepterait jamais autrement.»
A Berlin, le 29 août 2020, sans oublier de reprendre à son compte le fameux «ich bin ein Berliner» de son oncle JFK.

«Le cinglé qui a changé de bord»

Ce n'est d'ailleurs pas le seul complot qui couve dans l'esprit de cet adversaire de Joe Biden. Pas plus tard que ce week-end, il s'est penché sur l'assassinat troublant de son oncle JFK:

«Il existe des preuves accablantes que la CIA était impliquée dans son meurtre. Je pense que c'est au-delà de tout doute raisonnable à ce stade»
Robert Francis Kennedy Jr., sur les ondes de WABC.

Une question commence à devenir légitime: Robert Kennedy Jr. a-t-il toujours du sang démocrate dans ses veines exemptes du moindre vaccin? Selon une enquête de CBS News publiée début avril, l'ancien levier trumpiste Steve Bannon aurait passé «des mois» à convaincre notre comploteur de se présenter contre Biden. Mais pour incarner quoi? Disons que c'est à la fois risible et inquiétant: RFK incarnerait le parfait «agent du chaos».

S'il n'a que peu de chance de déstabiliser sérieusement le président-candidat, Robert Kennedy Jr. applique pourtant les codes d'une virulence populiste qui a la cote partout aux Etats-Unis (dans le monde?). Et Kennedy est peut-être en passe d'incarner le démocrate qu'a été Trump avant de tomber amoureux de Ronald Reagan. Juste pour enquiquiner et foncer dans le tas. Pour dire, le chroniqueur politique du Daily Beast, Matt Lewis, le considère aujourd'hui comme un «cinglé qui a changé de bord».

Quoiqu'il en soit, pour asseoir cette idée que les Américains sont devant une sorte de fait accompli et que les alternatives font pâles figures: 88% des républicains sont derrière Trump et 83% des démocrates soutiennent Biden. Malgré tout, foutu pour foutu.

Vous la sentez l'impasse?

Les looks du Met Gala 2023
1 / 26
Les looks du Met Gala 2023
Chat alors! Il y avait plein de chats sur le tapis rouge du Met à New York.
partager sur Facebookpartager sur X
Ceci pourrait également vous intéresser:
1 Commentaire
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
1
«Mais ferme ta gueule!», hurle Adèle Haenel en plein procès
L'actrice française fait face à Christophe Ruggia qu'elle accuse d'agressions sexuelles qu’elle aurait subies entre 12 et 14 ans. Le réalisateur est jugé à Paris.

«Mais ferme ta gueule», a hurlé mardi Adèle Haenel à l'adresse du réalisateur Christophe Ruggia. Ce dernier est jugé devant le tribunal correctionnel de Paris pour l'avoir agressée sexuellement entre ses 12 et 14 ans.

L’article