«Historique». «Inédit». «Stupéfiant». Ce dimanche, les superlatifs s'entrechoquent pour décrire le retrait - aussi craint qu'espéré - du président Joe Biden de la course à la Maison-Blanche. Du jamais vu, à ce stade du cycle électoral, dans l'histoire américaine. En particulier pour un candidat ayant remporté les primaires du parti sans vraiment rencontrer d'opposition.
Ce dimanche, le 46e président des Etats-Unis laisse les démocrates devant la perspective d'un processus de nomination précipité et semé d'incertitudes. La même inconnue règne sur l'enveloppe de quelque 96 millions de dollars déjà récolté par le ticket Biden-Harris.
S'il lègue à son parti bon nombre d'interrogations, Joe Biden l'abandonne aussi avec une solution toute trouvée: sa vice-présidente, Kamala Harris. Dans la foulée de l'annonce de son retrait de la course à la Maison-Blanche, le président de 81 ans a appuyé sa candidature comme remplaçante. Car, non, la nomination de sa colistière pour aller affronter Donald Trump dans les urnes en novembre n'a rien d'automatique.
En effet, bien qu'il ait largement remporté les primaires, Joe Biden n'était pas encore le candidat officiel du parti démocrate. Son statut devait être entériné lors de la convention nationale démocrate, prévue cette année du 19 au 22 août à Chicago.
A part une recommandation symbolique, il n'a donc pas vraiment son mot à dire sur son remplaçant. Désormais, les 4600 délégués qui s'étaient engagés à le nommer sont tous des «agents libres»: ils ne sont pas obligés de soutenir le successeur qu'il a choisi et peuvent accorder leur vote à leur guise.
Si le soutien du président lui confère un avantage considérable dans la lutte pour l'investiture, tout n'est donc pas encore gagné pour Kamala Harris. Pour la première fois depuis des générations, la nomination d'un candidat sera décidée lors de la convention plutôt que lors des primaires. Deux scénarios s'esquissent désormais.
Dans le premier, le parti pourrait prendre la décision de se rallier à Kamala Harris, une figure bien connue des démocrates et une possible force unificatrice en temps de crise, ayant d'ailleurs déjà mené une campagne nationale. La solution la plus simple et certainement la plus sûre.
L'autre scénario, celui d'une convention «ouverte», est une rareté dans la politique américaine moderne. Dans ce cas, d'autres concurrents pourraient se manifester pour défier la vice-présidente, possiblement parmi les autres noms ayant largement circulé ces derniers mois. Une manœuvre éminemment risquée pour les démocrates, et qui pourrait conduire à des divisions internes préjudiciables.
Preuve que le parti l'a déjà bien compris, des dizaines de délégués, actuels et anciens, ont d'ores et déjà signé une lettre approuvant la candidature de Kamala Harris à la Maison-Blanche. Une démonstration de force claire, nette, immédiate.
Mais c'est un gage de soutien qui ne garantit rien. Moins d'une heure après que l'ancien président Bill Clinton ait soutenu à son tour Kamala Harris, Barack Obama préférait pour sa part appuyer l'idée d'un processus ouvert lors de la convention du mois prochain. «J’ai une confiance extraordinaire dans la capacité des dirigeants de notre parti à créer un processus qui permettra de trouver un candidat exceptionnel», a déclaré Barack Obama dans un communiqué qui ne fait aucune mention de Kamala Harris.
Pour sa part, le chef du Parti démocrate Jaime Harrison a déjà promis un processus de sélection «transparent et discipliné»: «Dans les prochains jours, le Parti va entreprendre un processus transparent et discipliné pour aller de l'avant, en tant que parti démocrate uni, avec un candidat qui peut battre Donald Trump en novembre», a-t-il annoncé dans un communiqué.
Qu'il s'agisse de Kamala Harris ou d'un autre prétendant, le candidat aura très peu de temps. Celui qui saura gagner le soutien des 4600 délégués à la convention nationale aura à peine plus de 75 jours, après le raout, pour consolider le soutien des démocrates et s'établir comme un leader national crédible.