Jordan Bardella crie à la «censure». Son livre, «Ce que je cherche», imprimé à 155 000 exemplaires, ne bénéficiera pas d’une campagne publicitaire digne d’une Taylor Swift en tournée mondiale. Entre le 25 novembre et le 17 décembre, des affiches de quatre mètres sur trois devaient faire leur apparition sur les murs de nombreuses gares françaises, à Paris et dans les régions. On y aurait vu, en noir et blanc, façon studio Harcourt, le visage juvénile du président du Rassemblement national orienté de trois-quarts, le regard fixant l’horizon.
Derrière ce qui s’avère un coup politique, on trouve bien sûr le président du RN, dont «Ce que je cherche» est le premier livre, mais surtout la maison d’édition Fayard, détenue depuis 2023 par Vivendi, le groupe du milliardaire Vincent Bolloré, par ailleurs propriétaire de CNews, sur une ligne identitaire de droite comme l'ensemble ou presque de ses possessions.
Fayard avait d’abord avancé masquée, comme l’a affirmé l’éditorialiste Patrick Cohen mardi matin sur France Inter. La maison d’édition n’avait rien dit de précis sur le contenu des espaces publicitaires qu’elle souhaitait louer dans plus de cent gares à la période indiquée. Découvrant le visuel des affiches, Mediatransports, l’entreprise qui gère les panneaux d’affichage publicitaires dans les gares SNCF et le métro parisien, s’est opposée à cette campagne. Elle a fait connaître son refus lundi 28 octobre. Les syndicat Sud-Rail, classé gauche dure, a fait pression en ce sens.
Cela dit, Mediatransports, propriété de la SNCF et de la régie des transports parisiens RATP, ne fait qu’appliquer son règlement. L’entreprise est «tenue de veiller à un principe de neutralité politique et religieuse, en raison de ses missions de service public», rappelle une source citée par Le Monde. Or, de toute évidence, le livre du président du RN, le titre ne permet pas d'en douter, a un caractère politique. Mediatransports invoque de son côté le mandat de député européen de Jordan Bardella et sa qualité de président de parti.
Selon Le Monde, aucune autre maison d’édition ne propose à Mediatransports des campagnes publicitaires analogues, sachant la chose impossible dans les espaces concernés.
Il y a bien eu des affiches dans les gares pour des livres de Nicolas Sarkozy et Ségolène Royal, mais aucune de ces deux personnalités n’exerçait plus de mandat à ce moment-là et il s'agissait de mémoires politiques. En 2022, a rappelé Patrick Cohen sur France Inter, Mediatransports avait refusé une campagne d’affichage pour la bande dessinée «ElyZée», qui imaginait les cent premiers jours d’Eric Zemmour président de la République. Le ton de cette bande dessinée était une charge plutôt de gauche.
Sur son site, le RN invite à présent à signer une pétition dénonçant la décision de Mediatransports, «prise sous la pression de syndicats d'extrême gauche» et allant «à l'encontre des principes mêmes de la démocratie». Tout indique cependant que le parti d’extrême droite en fait un poil trop en la circonstance.