Début novembre, l'harmonisation des plaques d'immatriculation a donné lieu à un désaccord, qui a entre-temps été difficilement réglé sous la pression occidentale, mais pas résolu. Les Serbes du Kosovo doivent pour l'instant conserver leurs plaques serbes.
Le gouvernement du Kosovo a fixé un dernier délai jusqu'à début avril. Les fonctionnaires serbes, en majorité des policiers, refusent de travailler dans le secteur public en signe de protestation. Des maires et des députés serbes ont également démissionné.
Il y a trois semaines, la situation s'est à nouveau envenimée lorsque la police spéciale du Kosovo a arrêté un policier serbe pour avoir agressé physiquement des fonctionnaires kosovars. Dans le nord du Kosovo, majoritairement peuplé de Serbes, des militants serbes ont érigé des barricades sur les routes. Ils accusent le gouvernement du Kosovo d'envoyer des forces spéciales pour soumettre définitivement le nord du pays, contrôlé par Belgrade, ou d'expulser les quelque 50 000 Serbes qui y vivent parce qu'ils ne reconnaissent pas le Kosovo en tant qu'Etat.
Depuis lundi, des activistes serbes ont pour la première fois coupé la partie serbe de la métropole provinciale du nord, Mitrovica, du reste du pays en bloquant les camions. Aucune des deux parties n'a jusqu'à présent confirmé les rumeurs de tirs près des barricades.
Le premier ministre kosovar Albin Kurti a menacé de retirer ces frontières de fortune par la force si la Kfor, la force de protection de l'Otan, ne le faisait pas. Le président serbe Aleksandar Vucic a alors mis l'armée en état d'alerte maximale. Au début de l'automne, le président serbe avait déjà fait déployer des unités armées à la frontière nord du Kosovo. La Serbie ne peut envoyer une force de maintien de l'ordre au Kosovo qu'avec l'autorisation de la Kfor. Etant donné les circonstances actuelles, elle ne le sera probablement pas.
Comme les événements précédents, la dernière escalade est pilotée par Belgrade. Jusqu'à présent, il s'agit surtout de manœuvres de diversion, de rancune politique et de propagande. Aleksandar Vucic, qui est également le commandant en chef de l'armée, a placé ses forces en état d'alerte à six reprises au cours des cinq dernières années, sans que l'intervention au Kosovo n'ait jamais lieu. Jusqu'à présent, seule le ton est monté.
Les tensions de ces jours sont également liées à l'échec provisoire du dialogue en cours entre la Serbie et son ancienne province majoritairement peuplée d'Albanais, sous la médiation de l'UE. La question de la reconnaissance du Kosovo en tant qu'Etat est en jeu. Les dirigeants ont déclaré unilatéralement l'indépendance du Kosovo en 2008, neuf ans après la guerre d'agression menée par le dirigeant serbe de l'époque, Slobodan Milosevic.
De son côté, la Serbie continue de considérer le Kosovo comme faisant partie de son territoire national. Elle s'appuie sur la résolution de paix 1244 de l'ONU ainsi que, au sein du Conseil de sécurité de l'ONU, sur les puissances qui détiennent le droit de veto: la Russie et la Chine. L'admission du Kosovo à l'ONU est donc bloquée.
Mais l'intransigeance de Belgrade a également durci l'attitude du gouvernement kosovar. Ainsi, le premier ministre Albin Kurti refuse aux Serbes du Kosovo l'autonomie des communes serbes promise lors du dialogue avec l'UE, avec le soupçon compréhensible que la Serbie ait ensuite l'intention d'annexer le nord du Kosovo et d'affaiblir ainsi le Kosovo en tant qu'Etat indépendant. En revanche, Albin Kurti est considéré comme un partisan de la Grande Albanie, de l'union du Kosovo avec la République d'Albanie, avec les dirigeants de laquelle le premier ministre entretient de nombreux échanges.
Le président serbe a lié la question du Kosovo à son destin politique. Il craint de perdre le pouvoir et ne veut pas, comme il l'a dit un jour, entrer dans l'histoire comme le premier président à céder le sol serbe. Aleksandar Vucic, président depuis 2017, gouverne de manière de plus en plus autoritaire. En Serbie, le quatrième pouvoir est compromis, les médias de masse sont à la disposition du gouvernement à tout moment pour sa propagande.
Aleksandar Vucic se montre toujours prêt à faire des compromis avec l'Occident, c'est-à-dire avec les puissances de paix des Balkans que sont les Etats-Unis et l'UE, et se présente comme une ancre de stabilité. Son principal allié n'est autre que Vladimir Poutine.
Poutine avait les Balkans en ligne de mire pour ses intérêts géopolitiques bien avant l'invasion de l'Ukraine. Le dirigeant russe serait heureux d'avoir un autre conflit armé en Europe qui affaiblirait l'UE sur le plan économique et détournerait l'Otan de sa guerre en Ukraine. Pour cela, le Kremlin n'a pas besoin d'envoyer ses propres troupes, il suffit de la fameuse troupe Wagner que le premier ministre du Kosovo, Ablin Kurti, soupçonne d'être derrière la politique des barricades serbes. (aargauerzeitung.ch)