«Nous incarnerons une opposition ferme, c’est-à-dire sans connivence, mais une opposition responsable, c’est-à-dire respectueuse des institutions et toujours constructive.» Il y a encore deux mois, ces quelques mots de Marine Le Pen en auraient surpris plus d'un. Pendant que Macron et Mélenchon se chamaillaient bruyamment, le Rassemblement national (RN) est devenu, dimanche, la troisième force politique du pays. Et Christophe Castaner, le désormais ex-président du groupe En Marche! à l'Assemblée nationale, éliminé dimanche, va devoir lustrer un peu mieux sa boule de cristal à l'avenir:
"La vraie victoire sera dans 5 ans quand le vote extrême n'existera plus." @France3Provence #legislatives2017 #FN
— Christophe Castaner (@CCastaner) June 18, 2017
Certes, loin derrière la coalition présidentielle et l'alliance de gauche, ce résultat du RN est toutefois historique: 89 sièges. C'est dix fois plus qu'en 2017. Un raz-de-marée qui offre à la formation politique d'extrême droite plusieurs privilèges concrets. Voici les quatre principaux.
C'est la grande nouveauté pour le mouvement de Marine Le Pen. Avec 89 sièges à son actif, le Rassemblement national devient officiellement un groupe parlementaire au Palais-Bourbon. Jusqu'ici, les députés du RN étaient ce qu'on appelle communément des «non-inscrits». Ce qui complique son pouvoir, comme ses prises de parole. Depuis 2009, le nombre de sièges minimum pour pouvoir prétendre à un groupe parlementaire est passé de 20 à 15. Alors qu'en 2017 le RN ne comptait que huit députés, le mouvement d'extrême droite pèse donc désormais sensiblement plus lourd.
Comme le précise Le Monde, «nul besoin d’appartenir à la même formation politique pour faire partie du même groupe, ni obligation d’appartenir à un groupe pour toute la durée de la législature».
Officiellement, une dotation parlementaire. Chaque année, l'Assemblée nationale alloue une somme d'argent à chacun des groupes en fonction de leur représentation dans l'Hémicycle. Ce sont donc des fonds publics. Au total? Environ dix millions d'euros. Un fonctionnement décidé en 1988 pour assurer la «transparence du financement de la vie politique».
Cette somme d'argent permet notamment de faire fonctionner le secrétariat du groupe et engager du personnel. Petit détail qui n'en est pas un, étant donné que plusieurs élus (et médias) rêvent d'une surveillance plus serrée: «L'Assemblée n'exerce aucun contrôle sur l'utilisation par les groupes des moyens financiers qui leur sont accordés». A noter enfin que le RN pourra compter sur des bureaux et des salles de réunions.
Etant donné que le parti est endetté à hauteur de 23 millions d'euros, ces cinq prochaines années pourraient lui épargner une faillite.
Ce soir, le jackpot est aussi financier pour le Rassemblement national 👇
— Lucas Burel (@L_heguiaphal) June 19, 2022
4,24 millions de voix au premier tour X 1,64 euro
+
89 députés RN X 37,402 euros
=
Près de 52 millions de financement public sur le quinquennat.
(Le RN est endetté de plus de 20 millions d'euros)
Le règlement de l'Assemblée nationale stipule que la moitié des questions posées au gouvernement doivent provenir des députés de groupes d’opposition. Ce qui sera désormais le cas pour les élus RN. Un temps de parole réservé et garanti qui constitue l'une des principales forces pour le mouvement de Marine Le Pen. Le Monde rappelle par exemple que «le groupe Les Républicains, qui comptait 100 membres sous la précédente législature, a posé 301 des 1825 questions au gouvernement durant les cinq dernières années».
A noter également que le meneur de chaque groupe a le pouvoir de suspendre une séance ou de lancer un vote par scrutin public. En ce qui concerne le Rassemblement national, ce droit reviendra à Marine Le Pen:
Sans surprise, le premier texte que le RN souhaite soumettre à l'Assemblée nationale est celui de «la lutte contre l’islamisme». Marine Le Pen l'avait déjà annoncé à l'issue du premier tour des législatives. Proposer des lois, c'est le nouveau levier d’importance à la disposition du mouvement d'extrême droite. Une manière de gagner sensiblement en visibilité, mais aussi en crédibilité. Même si les textes ne passent pas la rampe.
L'une des autres grandes nouveautés, pour certains députés de Marine Le Pen, sera la possibilité de faire leur entrée dans le Bureau. La plus haute autorité collégiale de l'Assemblée nationale. Composé de 22 membres, le Bureau abrite le président de l'Assemblée nationale, 6 vice-présidents, 3 questeurs et 12 secrétaires.
Autre avantage potentiel: gagner un certain nombre de sièges au sein des commissions permanentes. Elles sont actuellement au nombre de huit à l'Assemblée nationale. La plus prestigieuse d'entre elles, la commission des Finances, pourrait d'ailleurs revenir au Rassemblement national: sa présidence étant réservée à un membre de l’opposition.
Et ça tombe bien puisque le député de l'Oise et porte-parole du mouvement, Philippe Ballard, l'a officiellement réclamée lundi matin.
(fv)