Toujours prompts à rebondir sur des sujets porteurs, les extrêmes droites européennes ont salué la manière avec laquelle Donald Trump a réussi à imposer à la Colombie le renvoi chez elle d’immigrés clandestins.
Le président du Rassemblement national, Jordan Bardella, faisait allusion aux menaces américaines qui se sont révélées payantes dans le bras de fer opposant Washington et Bogota, alors que la France peine à renvoyer, en Algérie notamment, des clandestins ou étrangers indésirables devant quitter son territoire, les OQTF.
Dimanche, la Colombie a refoulé deux avions militaires américains transportant des migrants colombiens illégaux renvoyés par les Etats-Unis. Donald Trump allait-il plier face à ce premier revers, lui qui a fait de l’immigration le thème majeur de sa campagne présidentielle?
On connaît la réponse: face à la menace d’imposer les droits de douane de 25%, puis de 50% sur les produits colombiens entrant aux Etats-Unis, la Colombie a rendu les armes en même pas deux heures. Et c’est elle qui, lundi, a annoncé le décollage de deux avions militaires en direction des Etats-Unis afin de rapatrier ses ressortissants expulsés par les autorités américaines. Washington a fait savoir que Bogota acceptait finalement toutes les conditions américaines liées aux futurs renvois.
Les sanctions américaines relatives à la délivrance de visas sont, en revanche, maintenues «jusqu’à ce que le premier vol d’expulsés colombiens soit arrivé avec succès», a mis en garde Donald Trump.
La délivrance de visas est le levier auquel songe le gouvernement français dans la crise ouverte avec l'Algérie suite à l’arrestation de l’écrivain franco-algérien Boualem Sansal, le 16 novembre à Alger. Ne pas accorder de visas à l’élite du régime algérien ayant ses habitudes en France est une menace pour l’heure seulement évoquée.
Dans ces affaires, où la diplomatie se gonfle de testostérone, il est important d’apparaître comme un Etat sachant imposer le «respect». La porte-parole de la Maison Blanche, empruntant aux arguments de Donald Trump, l'a dit:
Lundi toujours, celle qui tient à présent la vedette dans le parti d’extrême droite Reconquête d'Eric Zemmour, Sarah Knafo, a déclaré sur Europe 1:
Les «mesures de rétorsion» prises par les Etats-Unis sont celles du «programme de Reconquête qu’on doit appliquer face aux pays qui ne reprennent pas leurs clandestins», a-t-elle insisté.
En Allemagne, un élu de l’AfD au parlement régional de Brandebourg, Fabian Jank, affirme sur X:
Il ajoute: «La #Remigration est réalisable. Il suffit de le vouloir!» Comme Donald Trump, l’AfD a fait de l’immigration son principal axe de campagne, les élections législatives anticipées ayant lieu dans moins d’un mois en Allemagne.
En Suisse, l’UDC, qui se profile comme le parti le plus anti-immigrationniste, n’a pas réagi à proprement parler à la «victoire» de Donald Trump face à la Colombie – et face à d’autres pays d’Amérique latine sur la même thématique.
Pour le conseiller national UDC vaudois Yvan Pahud:
«C’est un deal commercial, au fond», justifie l’élu vaudois. «Les pays qui acceptent le retour de leurs clandestins peuvent plus facilement commercer avec les Etats-Unis.»
La Suisse se heurte à l’absence d’accord de réadmission avec la plupart des pays de provenance des migrants illégaux. Yvan Pahud estime qu’il faut agir sur le levier des visas: «Les pays qui accepteraient de reprendre leurs ressortissants se trouvant en situation irrégulière en Suisse se verraient attribuer plus de visas touristiques», propose-t-il.
Si les mesures à prendre étaient aussi simples qu’elles en ont l’air dans le cas américain, sans doute certains Etats européens s'y seraient-il déjà essayés. Leur puissance, leur statut d’Etat, permettent probablement aux Etats-Unis des politiques migratoires que les pays de l’Union européenne, avec le mécanisme de la libre-circulation, n’ont pas à l’heure actuelle.
La question migratoire met au défi l’unité politique de l’Europe. «On voit quand même les débuts d’un risque de casse, en raison de réactions unilatérales, en particulier de l’Allemagne», nous disait en septembre Philippe De Bruycker, professeur de droit européen à l'Université libre de Bruxelles, spécialiste de l'immigration.👇