Vendredi dernier, les autorités américaines ont annoncé avoir arrêté 538 migrants illégaux et en avoir expulsé «des centaines» dans des avions militaires. La Colombie, qui avait initialement interdit l'accès à ces «vols de déportation» (terme utilisé par la Maison-Blanche), a fini par accepter les conditions de Washington, suite aux menaces de sanctions formulées par Donald Trump.
A peine entré en fonction, le nouveau président américain a signé une série de décrets visant à empêcher l’immigration illégale, mais aussi à freiner l’immigration légale. Promises tout au long de sa campagne électorale, ces mesures risquent pourtant d'avoir des effets négatifs sur l'économie américaine.
Le secteur de la construction est particulièrement menacé. Pour répondre à la demande croissante, ce dernier doit attirer 439 000 nouveaux travailleurs cette année et 499 000 en 2026, a indiqué l'association professionnelle Associated Builders and Contractors (ABC) vendredi dernier. Dans le cas contraire, alerte-t-elle, les coûts déjà élevés vont augmenter, mettant certains projets hors de portée.
Or, les immigrés jouent un rôle central dans la construction, puisqu'ils représentent plus d'un quart de la main-d'œuvre de cette industrie, selon les données du Bureau du recensement des Etats-Unis. C'est l'un des secteurs où le taux d'étranger est le plus élevé, au même titre que l'agriculture, la sylviculture, la pêche et la chasse.
L'augmentation de l'immigration sous l'administration Biden avait été une aubaine pour le secteur de la construction, qui manque perpétuellement de travailleurs, explique le site d'information Axios. La hausse des arrivées enregistrée ces dernières années a renforcé l'offre de main-d'œuvre, confirme Anirban Basu, économiste en chef d'ABC. Lequel ajoute:
Les migrants illégaux, que Trump veut expulser «par millions», sont également concernés par cette situation. Aucune autre industrie n'en emploie autant que la construction: on estime que 13% des travailleurs actifs dans ce secteur sont des étrangers en situation irrégulière. Ce pourcentage dépasse 30% chez les poseurs de cloisons sèches et les couvreurs.
Au total, les immigrants illégaux constituent environ 5% de la main-d'œuvre au niveau national, ce qui correspond à plus de huit millions de travailleurs. Dans certains Etats, leur proportion est encore plus élevée: c'est le cas du Nevada (9% du total), du Texas et de la Floride (8% chacun), ainsi que du New Jersey et de la Californie (7%).
Il est intéressant de remarquer que la majorité des électeurs états-uniens estiment que les migrants, qu'ils soient légaux ou sans papiers, occupent principalement des emplois dont les citoyens américains ne veulent pas. Plus de la moitié des personnes ayant voté pour Trump partagent cet avis, selon une enquête du Pew Research Center.
Les migrants sont, par ailleurs, plus nombreux que les Américains dans certains métiers, ajoute Pew. C'est notamment le cas chez les manucures/pédicures (73%), les chauffeurs de taxi (57%) et, une fois de plus, les poseurs de cloisons sèches (53%).
L'importance cruciale revêtue par la construction a été récemment soulignée par les incendies qui ont frappé la Californie. Des pans entiers de Los Angeles doivent être reconstruits à la suite de ces feux dévastateurs, rappelle Axios.
La construction des centres d'hébergement et de traitement de données, les fameux «data centers», annoncée la semaine passée par Trump, nécessitera également beaucoup de main-d'œuvre.
Dans les régions concernées par ces mégaprojets, les entrepreneurs vont avoir du mal à pourvoir les postes vacants, prédit Anirban Basu. Et l'économiste de conclure: