Depuis le 18 février 2021, le rover martien Perseverance étudie la surface de notre planète voisine. Le rover a collecté des échantillons contenant des molécules organiques dans le delta d'une rivière du cratère Jezero, comme le rapporte la Nasa. Ce n'est certes pas la première fois que des matières organiques, dont de l'ammoniac et de l'acide benzoïque, sont trouvées sur la planète rouge. En 2018, le rover Curiosity y est parvenu, et Perseverance a également détecté de la matière organique en 2021.
Pourtant, la zone d'où proviennent les molécules fait la différence. Elle est considérée comme prometteuse pour y trouver des preuves que la vie a un jour existé sur Mars. «Nous avons choisi le cratère Jezero pour l'exploration de Perseverance parce que nous pensions que c'était là qu'il y avait le plus de chances de trouver des échantillons scientifiquement excellents», explique Thomas Zurbuchen, directeur scientifique de la Nasa. «Maintenant, nous savons que nous avons envoyé le rover au bon endroit». En effet, le choix s'est porté sur le cratère du Jezero car les scientifiques y avaient repéré une zone ressemblant à un delta de rivière sur des images prises auparavant par des sondes spatiales.
Le grand delta en forme d'éventail que Perseverance explore depuis juillet 2022 s'est formé il y a environ 3,5 milliards d'années, à l'endroit où une rivière se jetait dans ce qui était alors un lac de cratère. Le lac avait un bassin hydrographique d'environ 15'000 kilomètres carrés et absorbait de grandes quantités de matières en suspension par ses affluents. Les sédiments qui se sont alors déposés se sont depuis longtemps compactés en une roche à grain fin que les géologues appellent «mudstone».
«Les pierres étudiées dans le delta ont la plus forte concentration de molécules organiques que nous ayons trouvée jusqu'à présent lors de la mission», constate le géochimiste Ken Farley qui participe au projet Perseverance. «Les molécules organiques sont les éléments constitutifs de la vie, il est donc très intéressant d'avoir des roches qui ont été déposées dans un lac dans un environnement habitable et qui contiennent des matières organiques».
Les molécules organiques proviennent d'un échantillon prélevé par Perseverance le 20 juillet sur un rocher martien d'environ un mètre de large appelé «Wildcat Ridge». Wildcat Ridge s'est formée il y a des milliards d'années, lorsque de la boue et du sable fin se sont déposés dans l'eau salée évaporée du lac de cratère. Le rover a gratté une partie de la surface de la roche et a analysé l'échantillon à l'aide du laser ultraviolet de son instrument SHERLOC (Scanning Habitable Environments with Raman & Luminescence for Organics & Chemicals).
L'analyse de l'échantillon de Wildcat Ridge a révélé qu'il contenait une classe de molécules organiques apparentées aux minéraux du type sulfate. De tels minéraux à base de sulfate provenant de roches sédimentaires peuvent fournir des informations sur l'environnement aquatique dans lequel ils se sont formés.
«Cette relation suggère qu'au cours de l'évaporation du lac, des sulfates et des matières organiques ont été déposés, conservés et concentrés dans cette région», explique Sunanda Sharma du Jet Propulsion Laboratory, qui supervise l'instrument SHERLOC. «Personnellement, je trouve ces résultats très émouvants.»
Cependant, la découverte de molécules organiques ne signifie pas nécessairement qu'il s'agit de biosignatures, c'est-à-dire d'un «fossile chimique» qui fournit une preuve scientifique de l'existence de la vie dans le présent ou le passé. En effet, il existe également des processus chimiques au cours desquels de telles molécules sont produites sans que la vie y soit impliquée.
C'est ce qu'affirme également Farley: «Le sable, la boue et les sels qui composent l'échantillon de Wildcat Ridge ont été déposés dans un passé lointain, dans des conditions qui auraient pu permettre à la vie de se développer. Le fait que la matière organique ait été trouvée dans une telle roche sédimentaire, connue pour préserver les fossiles d'une vie ancienne sur Terre, est important».
Comme les composés organiques se décomposent en molécules plus petites lorsqu'ils sont chauffés, ils sont difficiles à détecter. Cependant, s'ils réagissent au préalable avec d'autres produits chimiques, cela augmente la probabilité de pouvoir les analyser. C'est pourquoi le laboratoire de bord dispose de solvants dans neuf récipients spéciaux qui ne peuvent être utilisés qu'une seule fois chacun.
Jusqu'à présent, Perseverance a collecté un total de douze échantillons de roches. Les instruments à bord du rover, malgré leur finesse, ne peuvent toutefois pas analyser ces découvertes de manière aussi approfondie qu'un laboratoire sur Terre. Les échantillons sont donc stockés à des endroits précis; ils seront récupérés dans les années 2030 dans le cadre de la mission Mars Sample Return de la Nasa, puis ramenés sur Terre pour y être analysés en détail.
Actuellement, la Nasa estime que les premières tentatives de récupération, en collaboration avec l'Agence spatiale européenne (ESA), n'auront lieu qu'entre 2030 et 2035 environ. La manière exacte dont se dérouleront la récupération et le retour des échantillons n'a pas encore été décidée. Il est possible qu'un atterrisseur spécialement conçu à cet effet se pose dans le cratère du Jezero et emporte avec lui une petite roquette qui transportera ensuite les échantillons vers un vaisseau spatial en orbite autour de Mars. (dhr)