Dans la salle d'audience, un cri de rage et de désespoir retentit sur les bancs des parties civiles. «Va te faire foutre!», lance le fils de l'une des victimes de l'attentat. «Ce n'est pas acceptable», réagit aussitôt le président de la cour, qui demande aux gendarmes d'expulser de la salle d'audience le jeune homme en colère.
Ce premier incident illustre la frustration des parties civiles face à un accusé retranché dans le déni depuis sa mise en examen, et qui comparaît pour assassinats et six tentatives d'assassinat en relation avec une entreprise terroriste. Il encourt une peine de réclusion criminelle à perpétuité.
S'exprimant en arabe via un interprète, l'accusé de 25 ans, très fluet, les cheveux longs coiffés en arrière, court collier de barbe, s'est contenté de confirmer son identité. Quand le président lui a demandé le nom de son avocat, Brahim Aouissaoui, en blouson crème ouvert sur un t-shirt blanc, a répondu:
«Moi, en m'entretenant avec lui, j'ai l'impression – mais encore une fois je ne suis pas médecin ni expert – qu'il ne comprend pas les enjeux de ce procès, qu'il ne comprend pas l'enjeu de ce dossier», a expliqué, en dehors de la salle d'audience, son avocat, Me Martin Méchin.
Le matin du 29 octobre, armé d'un couteau de cuisine, il avait quasiment décapité Nadine Vincent, une fidèle de 60 ans, blessé de 24 coups de couteau une mère de famille franco-brésilienne, Simone Barreto Silva, 44 ans, qui avait réussi à s'enfuir avant de succomber, et égorgé le sacristain Vincent Loquès, 55 ans, père de deux filles.
Grièvement blessé par des policiers après son attentat, Brahim Aouissaoui a affirmé une fois rétabli qu'il ne se souvenait de rien.
Son examen médical n'a cependant révélé aucune lésion cérébrale et l'expertise psychiatrique a conclu à l'absence d'altération ou d'abolition de son discernement au moment des faits. Les experts psychiatres s'exprimeront à la barre mardi. Initialement prévu lundi après-midi, l'interrogatoire de personnalité de l'accusé se déroulera mardi en fin d'après-midi. Son interrogatoire sur les faits aura lieu le 24 février.
Pour la première fois, l'Eglise catholique en France, en tant qu'institution, s'est constituée partie civile.
Pour le parquet antiterroriste, «de nombreux éléments laissent penser qu'au moment de quitter la Tunisie (...), l'accusé avait déjà l'intention de commettre un attentat en France», comme «sa radicalisation avérée et sa fréquentation d'individus impliqués dans des dossiers terroristes» en Tunisie.
En outre, «l'exploitation de son téléphone et de son compte Facebook établissent qu'il continuait à consulter des sites islamistes» ; qu'il s'était intéressé à la décapitation du professeur Samuel Paty le 16 octobre 2020 ; «qu'il avait connaissance des menaces proférées contre la France par des médias proches d'Al-Qaïda et qu'il éprouvait manifestement une haine» contre la France, qualifiée de «pays des mécréants et des chiens», a développé le magistrat instructeur.
La veille au soir de l'attentat, dans un message audio, Brahim Aouissaoui avait expliqué à un compatriote résidant en région parisienne qu'il ne pouvait pas se rendre à Paris, faute d'argent, mais disait-il: «J'ai un autre programme dans ma tête. Que Dieu le facilite».
Quatre jours avant que le jeune Tunisien passe à l'action, un média proche d'Al-Qaïda appelait les musulmans à «égorger» des Français, notamment dans «leurs églises».
Le procès est prévu jusqu'au 26 février. (mbr/ats)