Après la fusillade la plus meurtrière que la Suède ait connue récemment, rien n'est plus comme avant. Cela ne vaut pas seulement pour les personnes concernées à Örebro, qui ont fui dans la panique devant un tueur armé de trois fusils. L'homme, un Suédois de 35 ans, a tué dix personnes, en a blessé au moins cinq grièvement, et il aurait pu y en avoir bien plus. La police a déclaré jeudi qu'une quantité de munitions non tirées avait été retrouvée à côté du corps du tireur.
Le fait que l'on ne sache toujours presque rien sur le mobile du tueur de masse renforce l'incertitude. Que s'est-il passé ici? Que se passe-t-il en Suède? Le massacre d'Örebro ébranle la société non seulement en raison des nombreuses victimes et de la brutalité de l'acte, mais aussi parce qu'une école a été touchée. Les écoles sont le cœur de la démocratie, a commenté un journal suédois – et c'est justement là que la violence a connu la pire escalade.
Bien sûr, la Suède a déjà connu d'autres actes de violence choquants, mais pas à cette échelle:
Ces dernières années, les conflits entre gangs de plus en plus sanglants ont marqué les villes, avec des centaines de fusillades et de nombreux morts. Rien qu'en janvier, on a dénombré 23 fusillades plus 32 attentats à la bombe contre des maisons et des magasins. Dans les quartiers résidentiels, la peur des criminels domine. Notamment parce que des adolescents de plus en plus jeunes sont entraînés dans la criminalité des gangs. Des études montrent que nombre d'entre eux ont des problèmes psychiques et sociaux.
Le chef du gouvernement, Ulf Kristersson, a reconnu fin janvier que la situation n'était «pas sous contrôle». Certains observateurs lient ces nombreux problèmes à des années de forte immigration. C'est pourquoi sa coalition de droite va renforcer sa politique restrictive. Quelques jours plus tard, Salwan Momika, qui avait brûlé le Coran, était assassiné à son domicile.
«C’est de la folie», a écrit un journaliste spécialisé dans les affaires criminelles pour le journal Expressen à propos du développement de la violence. David Sausdal, criminologue reconnu de l'université de Lund, a déclaré dans une interview:
Les raisons de ces actes sont multiples, mais le David Sausdal estime que la Suède doit désormais mener d'urgence un débat de fond.
Celui-ci sera d'autant plus importante s'il s'avère que la fusillade n'a rien à voir avec le terrorisme, les gangs ou l'immigration, mais qu'il s'agit de l'acte d'un solitaire souffrant de troubles psychiques. Et il est important parce que l'image que le pays se fait de lui-même, celle d'un havre d'ouverture et d'un Etat-providence soucieux de tous, est en train de s'effriter. Lorsque le couple royal s'est rendu à Örebro et a fait son hommage sur place, la reine Silvia a demandé aux caméras:
Elle espère sincèrement que «tout le monde contribuera à la reconstruire».
Reste à savoir si cela sera plus qu'un voeu pieux. Plusieurs experts ont déclaré que ce n'était malheureusement qu'une question de temps avant que la Suède ne connaisse à nouveau une terrible fusillade dans une école:
L'école Risbergska était déjà préparée, elle avait, comme d'autres écoles, formé son personnel pour que les classes se barricadent immédiatement - ce qui aurait permis d'éviter encore plus de victimes.
Le gouvernement a annoncé vouloir mieux protéger les écoles. Il est question de portes verrouillées, de contrôles des sacs et de lois plus sévères sur les armes. Ce sont des moyens de lutter contre la peur - pas faux, dit le criminologue David Sausdal, mais qui luttent surtout contre les symptômes. Il faut une discussion approfondie sur «la raison pour laquelle les hommes suédois, surtout les plus jeunes, ont une tendance à la violence mortelle».
Traduit et adapté par Chiara Lecca