Paris, dimanche 8 septembre, rassemblement propalestinien. Elias d’Imzalène, un activiste bien connu de l’islamosphère, fiché S par les renseignements français depuis 2021, appelle à mener l’«intifada dans Paris, dans nos banlieues, dans nos quartiers» pour que «bientôt Jérusalem» soit «libérée». A la demande de Gérald Darmanin, alors encore ministre de l’Intérieur, une enquête est ouverte contre cet individu, administrateur d’Islam&Info, un site attisant le ressentiment contre la France.
La bonne nouvelle du jour:Elias d’Imzalene (@imzalene)@urgence_pal/@Islametinfo en GAV pour avoir appelé le 8/9à l’intifada à Paris dans 1manif à l’appel notamment de @FranceInsoumise.Il était ce jour-là aux côtés de @Portes_Thomas @RimaHas @LouisBoyard @BilongoCarlos @T_Bouhafs pic.twitter.com/BxuVpR9pDo
— Haziza Frédéric (@frhaz) September 24, 2024
Elias d’Imzalène est poursuivi pour, entre autres, «provocation publique et directe non suivie d’effet à commettre des crimes ou délit portant atteinte aux intérêts fondamentaux de la nation». L’intifada, qui renvoie à la «révolte des pierres» de 1987 dans les territoires occupés palestiniens, puis notamment à des actes de nature terroriste entre 2000 et 2005 en Israël, désigne donc un soulèvement potentiellement armé.
Mardi, Elias d’Imzalène, de son vrai nom El Yess Zarelli, a été placé en garde à vue dans le cadre de l’enquête le visant. Le jour même, la députée de La France insoumise (LFI) Ersilia Soudais indiquait sur son compte X avoir «exercé [son] droit de visite au commissariat du 17e arrondissement» de Paris auprès du gardé à vue, comme la loi l’y autorise.
J'ai exercé aujourd'hui mon droit de visite au commissariat du 17e arrondissement, où @imzalene est retenu en garde à vue.
— Ersilia Soudais (@ErsiliaSoudais) September 24, 2024
Ce sont les soutiens du génocide perpétré par Israël qui devraient être derrière les barreaux ! pic.twitter.com/Idtlm0WMXb
Cette annonce faite sur X, où une représentante de la gauche radicale se porte au secours de ce qui se fait de plus archaïque en islam, rend compte de l’évolution de cette partie de la gauche devenue le compagnon de route de l’islamisme politique et inversement. Le concept controversé d’islamo-gauchisme est ici justifié: une gauche révolutionnaire voit dans l’islam une religion saine et sans chichi, où l'obéissance ne se discute pas, et dans ses adeptes, les musulmans pris d’un seul bloc, la figure comme sacralisée des dominés.
Cette évolution ne date pas de la présente tragédie en cours à Gaza. Son origine est purement politique et s'apparente à des engouements pour les expressions révolutionnaires les plus sanguinaires de la seconde moitié du XXe siècle, en faveur des Khmers rouges au Cambodge, par exemple. On peut faire remonter l'appétence d'une partie de la gauche pour l'islamisme à la Révolution islamique de 1979, qui instaura la théocratie en Iran. Les marxistes iraniens, qui avaient misé sur la détermination sans faille des islamistes pour renverser le shah, pensant pouvoir les circonvenir par la suite, pâtirent de cet excès de confiance: beaucoup furent pendus ou fusillés par les gardiens du régime des mollahs.
Rien, sinon son origine sociale supposément modeste, qui serait en cela semblable à celle de nombreux descendants de l’immigration maghrébine, ne rattache Elias d’Imzalène, né dans les années 1980 (on ignore son âge exact), à la gauche. Tout, chez lui, est à l’opposé des idées progressistes: il prône le voilement des femmes, approuve les châtiments corporels, incite les musulmans au repli identitaire. C'est dire si de nombreux musulmans ne partagent pas sa vision de l'islam, mais ce type de personnage, ancré dans l'idéologie décoloniale, n'a pas son pareil pour culpabiliser une «communauté» qui oublierait d'où elle vient.
C’est la haine d’Israël – une constante chez les Frères musulmans dont il serait proche – qui l’a amené à côtoyer la gauche, celle des «banlieues» et des «quartiers», pour reprendre ses termes, à fréquenter Dieudonné, à être défendu par Alain Soral, puis, de fil en aiguille, à se mêler à la gauche LFI.
Les militants de la gauche antisioniste, musulmans ou non, ne sont généralement pas dupes du personnage – on ne le jurera pas de la députée Ersilia Soudais, une élue un brin fantasque. Mais pour ces militants, le plus souvent engagés à l’extrême gauche, Elias d’Imzalène est devenu en quelque sorte indispensable, dès lors qu’il s’agit de mobiliser parmi les musulmans et musulmanes des quartiers populaires, où les innovations sociétales chères au mouvement woke ont du mal à pénétrer.
La «marche contre l’islamophobie» de novembre 2019 à Paris, organisée à la suite d’une tentative d’assassinat de deux fidèles de la mosquée de Bayonne par un membre de l’extrême droite, avait surtout été l’occasion pour l’extrême gauche et des figures de l’islam politique de se faire entendre. Le «carnet d’adresses» d’Elias d’Imzalène, qui touche du monde avec son site Islam&Info, avait été mis à contribution. Mais l’intéressé, qui sentait déjà le souffre à l’époque pour ses positions religieuses extrémistes, avait été prié de ne pas se montrer – il s’était plié de bonne grâce à la requête.
En 2013, lui et ses réseaux n’avaient pas été pour rien dans la flambée de violence survenue à Trappes, en région parisienne, à la suite d’un contrôle de police sur une femme portant un niqab en violation de la loi anti-voile intégral entrée en vigueur en France en 2010.
En 2017, alors que la France sortait des grands attentats islamistes de 2015 et 2016, ses «prêches» demandant aux fidèles d’arrêter d'être «Français légalistes, Français républicains et Français patriotes», rapportait le journal Le Parisien, avaient contribué à la décision des autorités de fermer la mosquée de Torcy, en région parisienne là encore, en raison des discours radicaux qui y étaient tenus.
C’est à peine croyable, enfin pas vraiment: Elias d’Imzalène est devenu une figure du gauchisme. Les massacres du Hamas du 7 octobre, excusés sinon justifiés par des groupes de la gauche révolutionnaire, puis la sanglante répression israélienne à Gaza, ont permis à des activistes islamistes de la trempe d’Elias d’Imzalène de faire corps avec les plus radicaux de La France insoumise ou encore le groupe Révolution permanente. Nul doute que ce type de rapprochement s’observe aussi en Suisse actuellement.