Depuis le début du procès, Adèle Haenel, 35 ans, avait gardé un calme tendu, lançant des regards noirs au réalisateur de 59 ans, qu’il évitait ostensiblement. Mais en début d’après-midi, alors que Ruggia évoquait son prétendu rôle protecteur sur le tournage du film Les Diables en 2001, l’actrice a explosé. «J’ai suggéré qu’elle prenne un nom d’emprunt…», avait-il déclaré avant d’être interrompu par le cri cinglant d’Haenel, qui a frappé la table avant de quitter la salle, comme un écho à son départ des César en 2020.
Christophe Ruggia nie fermement les accusations, qualifiant celles-ci de «pur mensonge» et les liant à une prétendue vengeance de l’actrice, déçue de ne pas avoir été rappelée après Les Diables. Il évoque un «#MeToo français» qui l’aurait ciblé injustement. Une défense qualifiée d’«absurde» par la procureure Camille Ploch, qui a requis une peine aménagée sous bracelet électronique pour éviter un séjour en prison.
Pour la procureure, les faits rapportés par Adèle Haenel sont constants et crédibles. Elle martèle l’importance de rappeler l’interdit fondamental qui sépare un adulte d’une enfant de 12 ans. Selon elle, les accusations remontant à 2006 en privé et corroborées par divers témoignages d’adultes témoins du malaise autour de Ruggia ne laissent aucun doute.
Adèle Haenel a décrit les agressions, évoquant notamment «des mains sous son T-shirt, dans sa culotte», un traumatisme qu’elle porte depuis ses 12 ans. Ses avocats ont réclamé 30 000 euros pour préjudice moral et 31 000 euros pour les frais de suivi psychologique. Ils dénoncent une tentative de renversement des torts sur la victime, accusée par Ruggia d’être «trop sensuelle, trop dangereuse».
La défense du réalisateur repose sur le rejet des accusations et la critique de la médiatisation de l’affaire. Son avocate, Me Fanny Colin, a dénoncé une «fiction» influençant la justice et s’est appuyée sur l’idée que les souvenirs évoqués ne sont pas suffisants pour condamner. Malgré ces arguments, Christophe Ruggia est apparu isolé.
A la sortie de l’audience, sous les applaudissements, Adèle Haenel a quitté la salle, muette mais manifestement soutenue. La conclusion en février déterminera si la parole de l’actrice suffira à renverser une défense qui se veut implacable, mais qui semble vaciller face au poids des témoignages. (mbr avec ats)