Sept mères, huit bébés en bonne santé, et tous ont un point commun: leurs cellules contiennent de l’ADN issu non seulement de leur mère et de leur père, mais également d’une donneuse.
L’objectif est de prévenir l'apparition de maladies génétiques graves, et ce progrès a été rendu possible grâce à une nouvelle technique appelée «thérapie de remplacement mitochondrial», qui a permis pour la première fois la naissance d’enfants en bonne santé.
La méthode est utilisée lorsque des femmes sont porteuses d’un ADN mitochondrial (ADNmt) défectueux. Contrairement à l’ADN contenu dans le noyau cellulaire, l’ADNmt se situe dans les «centrales énergétiques» des cellules, les mitochondries. Il y régule des fonctions essentielles, notamment l’approvisionnement énergétique. Lorsqu’il mute, il peut entraîner des maladies graves, souvent au niveau du cerveau, des muscles ou du cœur.
Environ un nouveau-né sur 5000 dans le monde est concerné par ce problème. Les femmes porteuses transmettent cet ADN défectueux via leurs ovules, et il n’existe aucun traitement. Les scientifiques misent donc depuis plusieurs années sur la prévention. Leur solution, remplacer les mitochondries endommagées par des saines avant même la conception du bébé.
Mise au point par des chercheurs de l’université de Newcastle (Royaume-Uni), la méthode nécessite deux ovules: un de la mère biologique, l’autre d’une donneuse en bonne santé. Les deux ovules sont fécondés avec le sperme du père, et l’ADN nucléaire de la mère est ensuite extrait pour être implanté dans l’ovule de la donneuse, préalablement vidé de son propre noyau, mais qui contient des mitochondries saines.
Résultat, un embryon porteur de l’ADN des deux parents, avec des mitochondries fonctionnelles provenant d’une troisième femme.
L’embryon est ensuite implanté dans l’utérus de la mère, comme lors d’une fécondation in vitro classique. L’enfant ainsi conçu possède 99,9% de l’ADN de ses parents, et seulement 0,1% de celui de la donneuse.
Depuis l’autorisation de cette méthode en 2015, 35 couples au Royaume-Uni ont obtenu l'autorisation pour cette intervention. Huit enfants, tous en bonne santé, sont déjà nés, dont une paire de jumeaux. Dans cinq cas, aucune trace de mitochondries défectueuses n’a été détectée. Dans trois autres, les enfants présentaient encore de très faibles quantités d’ADNmt muté, mais pas en quantité suffisante pour déclencher une maladie.
Mais la méthode ne fait pas l’unanimité. En Allemagne, elle est notamment interdite, principalement pour des raisons éthiques. Les opposants dénoncent une modification du génome humaine, qui pourrait avoir des répercussions sur les générations futures, mais sans que leurs effets sur le long terme soient encore connus.
Le don d’ovules est également interdit en Allemagne, à cause de la loi sur la protection de l’embryon. Or, la technique pour remplacer l'ADNmt repose sur le don d’un ovule par une seconde femme. Sur le plan juridique, il n’est toutefois pas encore clairement établi si cette intervention constitue une altération du génome.
De leur côté, les chercheurs continuent à suivre les enfants, dont l'aîné a deux ans, afin de repérer d’éventuels effets secondaires sur le long terme. Trois d'entre eux ont connu des problèmes de santé, qui n'ont toutefois pas été liés à la méthode. Pour évaluer pleinement les risques, des observations sur plusieurs années seront nécessaires.
Cette nouvelle méthode démontre que les innovations médicales peuvent changer des vies, tout en soulevant des questions éthiques complexes. En attendant, le Royaume-Uni reste pionnier dans la naissance d’enfants issus de «trois parents».
Traduit de l'allemand par Joel Espi