Pour un dirigeant africain, il est dans les habitudes de ne pas quitter les frontières de son pays lorsque son pouvoir ne tient qu’à un fil. Il n'est donc pas surprenant que celui du Niger, Mohamed Bazoum, se soit absenté du sommet Russie-Afrique qui a débuté ce jeudi 27 juillet, à Saint-Pétersbourg. Mais cela ne l'a pas aidé pour autant. Son armée a déclaré sa destitution dans la nuit précédente. Avec ce coup d'Etat, l'Europe pourrait perdre l'un de ses derniers alliés dans la région.
Un homme à lunettes en uniforme bleu marine, les mains sagement posées sur la petite table devant lui, est assis face à la caméra. Il semble inoffensif – contrairement aux neuf hommes en uniforme qui se dressent derrière lui. Pourtant le message que le major Amadou Abdramane lit au micro est inquiétant:
Les frontières ont été fermées, un couvre-feu la nuit est entré en vigueur et les autorités gouvernementales ont été dissoutes, tout comme la Constitution du pays. En ce qui concerne l'Occident et les voisins africains, le porte-parole militaire a averti:
C’est mercredi 26 juillet que la tentative de putsch s’est dessinée dans la capitale Niamey. Le chef d'Etat Bazoum avait alors accusé sa garde présidentielle de faire une «démonstration antirépublicaine», après avoir été arrêté au palais présidentiel.
Dans son discours, l'armée a assuré au peuple et à la communauté internationale «que l'intégrité physique et morale des dirigeants déchus serait respectée conformément aux principes des droits de l'homme». Jeudi 27 juillet, au matin, le mystère planait sur le sort du président. Sur Twitter, Bazoum s'est montré combatif: «Les avancées durement acquises jusqu’ici seront protégées. Tous les Nigériens épris de démocratie et de liberté y veilleront».
Bazoum a été élu à la fin de l'année 2020. La transition démocratique a ressemblé à une petite révolution pour le pays, qui avait connu quatre renversements de gouvernement depuis son indépendance de la France en 1960. Bazoum a hérité d'un tas de ruines:
Si l'on ajoute à cela l'insurrection des islamistes, qui terrorisent la région du Sahel depuis des années, le cocktail défavorable à une politique de développement est désormais parfait.
L'Etat islamique et Al-Qaida auraient tous deux infiltré le Niger depuis les pays voisins: le Mali et le Nigeria. Mohamed Bazoum était jusqu'à présent un proche allié de l'Europe, que ce soit dans la lutte contre le terrorisme ou en matière d'immigration. La sonnette d'alarme a donc été tirée en Occident.
Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a condamné l'intervention militaire et a assuré son «soutien inébranlable au président Bazoum et à la démocratie nigérienne». Le Service européen pour l'action extérieure (SEAE) a déclaré dans la soirée:
Après la prise de pouvoir du Mali, du Tchad et du Burkina Faso par leurs armées respectives au cours des trois dernières années, le Niger était considéré comme l'un des derniers partenaires de l'Europe au Sahel. L'année dernière, la France y a transféré ses troupes du Mali, dont le régime militaire fraternisait de plus en plus avec les mercenaires russes de Wagner.
En outre, le Niger est un pays phare de la coopération européenne au développement en raison de son rôle clé dans la région. La Suisse soutient actuellement des projets dans les domaines du développement rural, de l'éducation de base et de la formation professionnelle ainsi que de la gouvernance. «Par son soutien, elle contribue à améliorer les conditions de vie de la population locale et à lui donner les moyens de gérer elle-même son propre développement», explique-t-on à la Direction du développement et de la coopération (DDC). Pour la période 2020-2024, 138 millions de francs ont été budgétés pour des projets communs.
Traduit et adapté de l'allemand par Léon Dietrich