Plusieurs milliers de migrants sont coincés dans la zone frontalière entre la Biélarussie et la Pologne. Ils ne peuvent ni avancer, ni reculer. Des femmes, des hommes et des enfants passent des nuits glaciales dans un camp de fortune. Ils gardent l’espoir de pouvoir entrer en Europe un jour.
Comment peut-on expliquer cette situation et vers où cela mènera? watson répond à onze questions.
Nous ne pouvons pas répondre précisément à cette question car la Biélorussie et la Pologne n’autorisent pas les journalistes ou les organisations humanitaires à se rendre sur place. Mais la raison de ce flux migratoire a été provoquée par le dictateur biélorusse Alexandre Loukachenko.
Par ailleurs, certaines personnes originaires des pays du Moyen-Orient, de la Turquie ou de Dubaï achètent des billets d'avion à destination de la capitale biélorusse Minsk. Ils pensent pouvoir entrer plus facilement en Europe par la Pologne. De Minsk, les migrants se rendent ensuite en bus dans la zone frontalière, où ils sont poussés vers la clôture par les forces de sécurité biélorusses.
En raison de ce parcours chronophage, la situation ne peut être comparée à celle de 2015, où des centaines de milliers de personnes ont effectivement tenté d'entrer dans l'Union européenne (UE) par les voies du sud. Ici, il s’agit de quelques milliers de personnes, qui constituent un groupe de migration particulier: ils doivent déjà avoir eu l’idée d’entrer sur le territoire européen par la Biélorussie et surtout avoir les moyens de se payer le billet d’avion à destination de Minsk. De plus, ils ne savent pas s’ils auront réellement droit à l’asile en Europe.
Ils espèrent d'une manière ou d'une autre entrer sur le territoire européen. Une fois qu’ils sont dans l’Union européenne (UE), il est difficile de les expulser rapidement. Il existe trois raisons à cela: premièrement, les procédures d’asile prennent des mois, voire des années. Deuxièmement, la Biélorussie ne reprendra pas les migrants aussi facilement. Troisièmement, les autres pays d’où les migrants sont originaires ne veulent pas s’occuper de personnes qui ont déjà pu entrer en Europe.
Il est vrai que trois personnes sont déjà mortes de froid après avoir franchi la frontière polonaise. Le nombre de victimes du côté biélorusse est inconnu. La Pologne ne laisse pas les gens traverser la frontière parce qu'elle ne veut pas être victime de chantage. Les migrants sont des otages politiques du dictateur biélorusse Loukachenko, qui veut se venger des sanctions de l'UE contre son régime. Le ministre allemand des affaires étrangères, Heiko Maas, qualifie Alexandre Loukachenko de «chef d'un réseau de contrebande d'État».
De plus, le gouvernement polonais mène depuis des années une politique anti-immigration sévère et suscite l'opposition de l'UE à l'accueil des réfugiés. Afin de rester crédible sur le plan intérieur, elle doit maintenant garder ses frontières fermées.
Moralement, on pourrait dire oui. Légalement, aucun pays du monde n'est obligé d'accueillir des personnes venant de l'étranger pour des raisons humanitaires, pas même la Pologne. Les choses se compliquent si les personnes se trouvent déjà sur le territoire polonais ou très proche des agents de la police des frontières. A partir du moment où les migrants manifestent leur volonté de demander l'asile, ils ne peuvent plus être renvoyés sans que leur demande ait été examinée.
En revanche, la Pologne ne respecte pas vraiment les règles. Les agents de la police des frontières refoulent tous les migrants qu’ils repèrent sur le territoire et les ramènent à la frontière. Du point de vue de la Pologne, c'est la seule chance de se défendre contre le chantage de Loukachenko et de décider d'elle-même qui est autorisé à entrer dans le pays. C'est également la raison pour laquelle le gouvernement polonais a décidé de construire une clôture à la frontière, de sorte que l’entrée sur le territoire soit plus difficile.
La Pologne affirme être responsable de ce qui se passe sur son territoire. Elle refuse que Bruxelles ou Berlin lui dise qui laisser entrer et qui ne pas laisser entrer. Et ce qui se passe du côté biélorusse relève de la responsabilité du régime de Loukachenko, pas de l'UE ou de la Pologne.
De plus, l'UE ne veut pas non plus faire l'objet d'un chantage. Dans de telles situations, elle tente de trouve une solution «européenne» et ne pas se laisser diviser, c’est du moins son discours. Le fait que l'UE entretienne actuellement des relations compliquées avec la Pologne ne facilite pas les choses. En effet, un procès pour atteinte à l'État de droit a été intenté contre cet État membre.
Il existe bien une solution européenne. Elle se compose de clôtures, de dissuasion politique et de militarisation aux frontières. Depuis 2015, c’est ce sur quoi l’UE est capable de s’entendre. Loukachenko peut la menacer avec des migrants uniquement car l'UE se sent fortement menacée par ces derniers.
Ce sont des mascarades pour cacher le fait que la cause (humanitaire) ne progresse guère. Depuis 2015, les États membres ont surtout pu se mettre d'accord sur toujours plus d'armement à la frontière du territoire européen,
L’UE tente d'utiliser de l'argent et de faire pression pour que les pays de transit et d'origine des migrants arrêtent les flux migratoires à destination de l'Europe. Mais le problème c’est qu’il n'y a pas de répartition égale et organisée des réfugiés dans et entre les États de l'UE. Il n'y a pas non plus de chemin migratoire prédéfini.
En laissant de côté la question de savoir si ce serait la bonne solution face à la prise d'otages de Loukachenko, les communes n'en ont tout simplement pas le droit. Le ministre fédéral de l'intérieur, Horst Seehofer, est responsable des entrées sur le territoire national et il refuse les migrants depuis des années.
Il ne veut pas que l'Allemagne fasse cavalier seul et craint également qu'un tel aveu de la part des villes allemandes ne fasse qu'inciter encore plus de personnes à tenter de venir en Allemagne. Et même si le gouvernement allemand venait à changer d'avis à ce sujet, la Pologne n'a pas non plus intérêt à laisser passer les gens à la frontière. Cela motiverait encore plus de personnes à migrer vers l’Allemagne.
Pour le moment, non. Mais l'UE, et l'Allemagne en particulier, font pression en ce sens. Après tout, l'agence Frontex a pour mission d'aider les États à sécuriser la frontière de l'Europe et à y garantir des procédures conformes à l'État de droit.
Pourtant, les organisations de défenses des droits de l’homme et les médias ont révélé que Frontex était impliquée dans les refoulements de migrants sur le territoire polonais. Mais la Pologne affirme jusqu’à présent avoir refusé l’aide de l’agence Frontex. Le pays veut protéger la frontière par ses propres moyens. C'est pourquoi l'UE dépend en dernier ressort des informations polonaises sur la situation à la frontière.
Comme l'UE et la Pologne n'ouvriront pas leur frontière à la Biélorussie, la crise prendra fin uniquement si le flux migratoire s’arrête. Pour cela, Loukachenko devra renoncer à faire pression sur l’UE avec les migrants ou ces derniers devront renoncer à leur espoir d’entrer un jour dans l’Union européenne.
L'UE tente de résoudre le problème, notamment en menaçant de sanctions les compagnies aériennes impliquées dans le transport des migrants. Par exemple, l'une d'entre elle impliquerait une interdiction d’atterrir sur le territoire européen. Toutefois, l'UE doit être en mesure de prouver que les compagnies aériennes en question savaient que des personnes étaient en fraude avec leur aide, faute de quoi les tribunaux pourraient annuler les sanctions.
Les représailles contre le régime biélorusse pourraient également être renforcées. Mais il est impossible de savoir quand cela prendra effet.
Seul l’avenir nous le dira. Pour le moment, les organisations humanitaires veulent mettre en place un approvisionnement sur le terrain. Les représentants de certains partis politiques allemands font pression pour que la Pologne permette à l'aide humanitaire d'accéder à la frontière. Mais pour l'instant, les autorités polonaises refusent l’accès aux médecins non gouvernementaux et aux ONG.
L'autre question est de savoir ce qui peut être fait exactement. Le politicien du parti social-démocrate (SPD), Lars Castellucci, chargé des questions de migration propose une triade:
Lars Castellucci ne précise pas où exactement les procédures d'asile doivent avoir lieu, que ce soit en Pologne ou ailleurs. Son collègue du groupe parlementaire, Nils Schmid, a suggéré que l'Ukraine, en tant qu'État non-membre de l'UE, pourrait éventuellement accueillir les migrants pour le moment.
Au terme de ces procédures, il faudra trouver des pays européens enclins à accueillir les migrants ou alors les rapatrier, c'est-à-dire «les expulser», écrit Lars Castellucci.
En attendant, il n'y a pas d'issue pour les personnes retenues en otage à la frontière.
Cet article a été publié pour la première fois sur Zeit Online. Watson a peut-être changé les titres et les sous-titres. Cliquez ici pour l'original.
Traduit de l'allemand par Charlotte Donzallaz