L'Afrique. Un continent riche en ressources et en minerais. Aucun smartphone ne fonctionnerait sans cobalt - un métal irremplaçable dans les batteries lithium-ion de tous les appareils mobiles. Cette matière première provient par exemple des mines de la République démocratique du Congo.
L'Afrique est marquée par l'histoire du colonialisme. Aujourd'hui encore, des pays non africains se disputent l'influence sur le continent. La Russie est en tête de liste. Son influence ne cesse de croître, alors qu'elle cause plus de tort que de bien aux pays africains. C'est ce dont est convaincue la députée du Bundestag Katja Leikert (CDU).
«La Russie n'a aucun intérêt à la stabilité, à la démocratisation ou au fonctionnement des institutions en Afrique», déclare-t-elle dans un entretien avec watson. Selon elle, ce qui compte avant tout pour la Russie, ce sont les gains à court terme et l'influence géopolitique. Et pour cela, les conflits sont volontiers acceptés ou même alimentés.
L'utilisation de mercenaires russes de Wagner fait augmenter de manière significative le nombre de violations des droits de l'homme. «Nous le voyons très clairement au Mali, mais aussi ailleurs», dit-elle en prenant pour exemple le Burkina Faso, un pays d'Afrique de l'Ouest.
Fin septembre, des images vidéo ont montré des manifestants au Burkina Faso brandissant des drapeaux russes après le putsch. La population a rendu la France, ancienne puissance coloniale, responsable des maux du pays. Ce sentiment anti-occidental et anti-français est surtout attisé par les médias sociaux.
La guerre de l'information menée par la Russie a commencé il y a longtemps en Afrique. Outre la diffusion d'informations inexactes, la Russie gagne également en influence grâce aux livraisons d'armes. Poutine se rapproche des autocrates, leur vend des armes; des mercenaires leur proposent des coopérations en matière d'armement – et s'accommode de violations des droits de l'homme. Dans de nombreux cas, cela a des conséquences dramatiques pour la population civile locale.
Leikert, membre de l'Union chrétienne-démocrate (CDU) allemande, s'est exprimée à ce sujet:
Les offres de la Russie sont particulièrement attrayantes pour les autocrates isolés qui veulent se maintenir au pouvoir à tout prix. Pour eux, le soutien militaire et la protection diplomatique de Moscou sont, selon Leikert, une offre très alléchante. Ainsi, Poutine les lie à lui et les entreprises russes peuvent exploiter librement les ressources naturelles.
En Allemangne, on s'inquiète de plus en plus de l'influence croissante de la Russie. C'est pourquoi les «partis frères» CDU et CSU ont présenté une motion demandant au gouvernement fédéral de contrer cette évolution. La motion a été débattue jeudi dernier au Bundestag (le parlement allemand).
Contrairement à l'engagement de la Chine en Afrique, la Russie agit souvent de manière cachée. Ou alors elle dissimule son influence en faisant appel au fameux groupe de mercenaires Wagner, peut-on lire dans la motion. Un tel procédé permettrait à Poutine de nier une implication directe et de contourner les sanctions. Cette situation est devenue un problème pour les intérêts allemands et européens sur place.
«On mise souvent sur Moscou pour renforcer sa position de négociation vis-à-vis des partenaires occidentaux», estime Leikert. Avec l'idée suivante en tête: nous avons une alternative russe, donc si vous ne nous donnez pas ce que nous voulons nous irons les voir.
Dans ce contexte, la Russie porte atteinte à la coopération au développement allemande et européenne. Elle affaiblirait également les partenariats économiques et de sécurité avec les Etats africains.
Mais d'où vient ce sentiment anti-occidental que l'on retrouve au Mali et au Burkina Faso par exemple?
Leikert explique à ce propos:
Ainsi, les interventions françaises et internationales au Sahel n'ont pas toujours été particulièrement efficaces. Selon Leikert, c'est en partie parce que les problèmes structurels de la région sont si profonds que les actions menées ne sont qu'une goutte d'eau dans l'océan. Poutine sait utiliser ce point faible à son profit et continue d'attiser le sentiment anti-occidental.
Selon l'Union CDU/CSU, l'influence de la Russie réduit les chances de réformes démocratiques et de transition pacifique du pouvoir. Les campagnes de désinformation russes divisent les Etats africains, mais aussi les relations avec leurs partenaires européens. L'Union critique le fait que le gouvernement fédéral allemand n'ait pas encore présenté de stratégie claire pour réagir face à ce problème.
Le groupe parlementaire de la coalition allemande CDU/CSU a posé, à cet effet, plusieurs exigences au gouvernement fédéral. Il faudrait:
Face à la propagande russe, l'Allemagne doit, selon Leikert, passer davantage à l'offensive en matière de communication. La politicienne poursuit:
Il sera difficile de freiner les exportations d'armes de la Russie. Selon Leikert, l'Allemagne ne peut et ne veut pas livrer des armes à volonté, comme le fait la Russie. «Nous devons voir avec nos partenaires européens quelles sont les offres qui ont un sens», dit-elle. Selon la politicienne, il est important de rappeler sans cesse aux partenaires africains «qu'une coopération avec nous est une solution plus attrayante».