Washington, la semaine dernière. Lindsay Graham, sénateur de la nation américaine, lance un appel: il faut éliminer Vladimir Poutine pour mettre fin à la guerre à l'Ukraine. «Quelqu’un en Russie doit mettre les pieds dans le plat (…) et se débarrasser de ce type», déclare-t-il. Au-delà de cette saillie qui a évidemment créé la polémique (ce plan n'était pas à l'ordre du jour pour Joe Biden) on se souvient de la tentative – échouée – d'assassinat d'Adolf Hitler par l'officier allemand Claus von Stauffenberg. Et, plus loin dans le temps, de Brutus donnant la mort à Jules César. Concernant Poutine, une telle hypothèse, souvent avancée, est-elle crédible?
Selon Patrick Carruzzo, directeur de l'Académie suisse de sécurité, il est quasi impossible qu’un pays étranger intervienne pour éliminer Poutine. «Le risque est si haut que les représailles seraient du jamais vu dans l’histoire.» Le dirigeant russe a d'ores et déjà brandi la menace nucléaire face aux sanctions économiques prises par l'Europe et les Etats-Unis et a averti, dès le début de l'invasion de l'Ukraine, que quiconque se mettrait en travers de son chemin en paierait les très lourdes conséquences. On imagine ce que serait sa réaction. En revanche, il y a quand même une possibilité, et c’est de ce côté-là que le spécialiste la voit:
Un renversement militaire qui se traduirait par un assassinat? Pas forcément. On peut imaginer – scénario plutôt improbable, mais le plus probable des improbables – une forme de mise à l'écart politique. Selon l'historienne franco-russe Galia Ackerman, spécialiste de la Russie, qui s'est exprimée à la radio RTL, c'est la solution la plus crédible actuellement: «Les généraux peuvent s'insurger. Les Ukrainiens sont en train de décimer leur armée, c'est une destruction mutuelle. Mais les Ukrainiens se battent pour leur terre, pour leurs maisons, alors que les Russes sont des occupants, des envahisseurs.» Du coup:
Les militaires... ou les services secrets, selon l'experte. Ceux-ci «peuvent se dire aussi que Poutine mène le pays à la ruine». Mais, eux aussi, risquent gros, évidemment.
Si très peu de personnes connaissent en détail les dispositifs de sécurité du maître du Kremlin («moins il y a des gens qui sont au courant, plus il est protégé»), Patrick Carruzzo a sa petite idée: «La protection de ce genre de personnes se décline en plusieurs couches. D’abord, les renseignements, qui permettent d’anticiper les actions de potentiels ennemis. Ensuite, directement autour du dirigeant, une garde rapprochée, qui doit se compter sur les doigts d’une main. Et entre les deux, des militaires qui ont été formés spécifiquement à la protection du dirigeant et de sa garde rapprochée.»
Celui qui a assuré en 2015 la protection de Didier Burkhalter, alors président de la Confédération, dans le cadre d'un événement privé et en collaboration avec la police de Genève, est formel: il n’y a rien de comparable en Suisse avec la protection de présidents américains ou russes. «Avec ces différentes couches (renseignements, militaires, garde rapprochée), explique-t-il, rien n’est laissé au hasard. On l’a vu à Genève avec le sommet Biden-Poutine.» Oui, ce temps où l'on n'imaginait pas, ou l'on n'osait imaginer, ce que ce dernier provoquerait comme tragédie quelques mois plus tard.