Les 20% de Jean-Luc Mélenchon au premier tour de l'élection présidentielle lui ont laissé un goût amer au fond de la gorge. Manquer de si peu la phase finale ne pouvait décidément pas tomber aux oubliettes. Objectif: les législatives de juin prochain, pour tenter de grappiller la majorité. Le 19 avril dernier, le gourou des insoumis a même posé une bombe dans l'esprit des électeurs: «Je demande aux Français de m'élire Premier ministre». Hein? Quoi? On peut élire le chef du gouvernement? Quand? Comment?
Même Google a vu flou la semaine dernière:
📊 Selon Google, interrogé par l’@AFPfr, les recherches ayant trait à la désignation du chef du gouvernement ont considérablement augmenté à la suite de la déclaration de @JLMelenchon. #Législatives2022 pic.twitter.com/ojudNfbVZ2
— Élections 2022 🗳 (@2022Elections) April 22, 2022
Un premier ministre qui viendrait rassasier 20% des électeurs et court-circuiter la politique libérale du «président des riches». Mélenchon en rêve. L'extrême gauche en rêve. Les anti-Macron en rêvent. Juste avant sa réélection, le président lui avait répondu: «J’ai du respect pour les citoyens, les électeurs. Mais comme dans les compétitions sportives, ce n’est jamais bon de faire la feuille de match de la finale quand on est encore en quarts de finale. Quand on confond les agendas, on prend rarement de bonnes décisions».
Maintenant que les «quarts» sont terminés, Jean-Luc Mélenchon a (sans surprise) réitéré sa demande. C'était dimanche soir, au moment de sa réaction (instantanée) à l'élection présidentielle.
"Le 12 et 19 juin, en vous appelant à m'élire comme Premier Ministre je vous appelle en vérité à faire vivre un nouvel Avenir en Commun pour notre peuple."
— Hugo Décrypte (@HugoDecrypte) April 24, 2022
Jean-Luc Mélenchon réaffirme son ambition de cohabitation aux législatives dans sa prise de parole. pic.twitter.com/LqVKtmp5JQ
De manière générale, que ce soit Mélenchon ou pas, Emmanuel Macron semble se ficher complètement du choix de son premier ministre. Enfin, selon l'un de ses proches, cité dimanche par le journal français L'Express:
Dans son entourage, certains vont même plus loin: «Il est traumatisé par ce qu'il a vu avec François Hollande et Manuel Valls».
Soit.
Mais reste la question principale. Celle qui paraît à la fois indispensable et un peu concon. Celle qui n'a rien de stratégique ou même de politique. Cette question, c'est...
Tuons le suspens dans l’œuf: ce n'est pas le peuple. Du moins, pas directement. Avec sa petite entourloupe verbale, le candidat malheureux a voulu donner une gueule, disons... personnelle aux pas très chics élections législatives de juin prochain. Un marketing politique plutôt malin puisqu'il a permis de braquer la lumière sur Jean-Luc Mélenchon comme jamais. Au point que l'insoumis parle lui-même officiellement de «troisième tour de l'élection présidentielle».
C'est assez peu excitant en réalité: le premier ministre est choisi par le chef de l'Etat.
Voilà. Point. Final? Pas vraiment. (Parce que c'est toujours plus compliqué que ça en a l'air.)
Emmanuel Macron pourra donc bien élire son premier ministre, peinard, sans tracas particulier et au sein de son propre parti, mais seulement s'il obtient la majorité parlementaire aux prochaines et fameuses élections législatives. Le plus grand danger du président réélu? Se retrouver dans une situation qu'on dit «de cohabitation». En clair, si Marine Le Pen, Eric Zemmour ou... Jean-Luc Mélenchon parviennent à fédérer suffisamment autour de leurs députés en juin prochain (ils sont d'ailleurs tous déjà à fond), ils seront en position de force au moment d'élire le chef du gouvernement.
L'article 49 de la Constitution va même plus loin: «Le premier ministre, après délibération du Conseil des ministres, engage sa responsabilité sur son programme».
C'est grave, docteur? Comme d'habitude: ça dépend pour qui. Mais il faut rappeler que ce n'est pas une situation totalement inédite:
D'ailleurs, deux ans plus tard, cette cohabitation avait donné lieu à l'une des scènes les plus mythiques des débats de l'entre-deux-tours, entre Jacques Chirac (premier ministre, mais candidat à la présidence de la République) et François Mitterrand (candidat à sa réélection).
Sachez enfin (pour briller en société) que les Français devront élire 577 députés qui siégeront à l'Assemblée nationale. Et pour avoir la majorité absolue? Un minimum de 289 députés est nécessaire. Voilà pour la théorie.
Réponse(s) dans les urnes les 12 et 19 juin prochains pour les élections législatives. D'ici là, la bataille risque d'être féroce.