Le processus de sélection du prochain souverain pontife débutera en mai dans la chapelle Sixtine, au Vatican. 133 cardinaux se réuniront pour élire le successeur du pape François, décédé ce lundi 21 avril. Des siècles auparavant, vers 855, une légende raconte qu'une femme, la papesse Jeanne, aurait accédé au plus haut rang de l'Eglise catholique en se faisant passer pour un homme. Elle aurait finalement été démasquée après avoir accouché en pleine procession.
Cette fable pourrait-elle se transposer dans la réalité? Pierre Gisel, professeur honoraire à la faculté de théologie et de sciences des religions de l'Université de Lausanne, se veut optimiste.
Pourrait-il y avoir un jour une femme pape?
Pierre Gisel: Le pape est l'évêque de Rome. Un évêque est un prêtre. Les femmes ne sont pas admises à la prêtrise. Donc actuellement, la réponse est «non».
Existe-t-il une volonté de faire bouger les choses?
Il y aura forcément un changement qui permettra l'ordination des femmes, mais cela prendra du temps. A la fin des années 90, par exemple, Jean-Paul II est allé jusqu'à vouloir engager l'infaillibilité sur la non-accessibilité des femmes à la prêtrise.
C'est-à-dire?
C'est le futur pape Benoît XVI qui l'en a empêché. A l'époque, de par sa fonction de préfet de la congrégation pour la doctrine de la foi, il était proche de Jean-Paul II. Pour cadrer la volonté de son supérieur, il a fait circuler une note stipulant que la décision de non-accession des femmes à la prêtrise, dite définitive, était faillible. En d'autres termes: elle pourra être modifiée.
Est-ce que certaines femmes s'engagent pour obtenir plus de pouvoir au sein de l'Eglise catholique?
Oui, en Europe surtout. En France par exemple, il existe le comité de la jupe (appelé aujourd'hui Magdala), dont l'objectif est de promouvoir la place des femmes dans l'Eglise catholique. Il s'est formé en 2008 suite aux déclarations de l'archevêque de Paris. Interrogé sur la prêtrise des femmes, il déclare à la radio que ce n'est «pas tout d'avoir une jupe, qu'il faut avoir quelque chose dans la tête».
En Allemagne également, les mentalités sont plus ouvertes. En cause: les facultés catholiques de théologie sont dans les universités. Elles sont étatiques et ont plus de libertés, même s'il y a des règles élaborées avec le Vatican.
Donner plus de pouvoir aux femmes au sein de l'Eglise catholique: pourquoi ça bloque?
La réponse relève plus de la psychanalyse que de la théologie. L'un des nombreux arguments donnés est le fait que Jésus aurait choisi 12 apôtres hommes et qu'il faut suivre ce choix. En réalité, et depuis des siècles, de nombreux membres du clergé ont un problème avec les femmes, la féminité, la sexualité. Il faut donc s'en protéger.
Une évolution est-elle envisageable dans le futur?
Les protestants ordonnent des pasteures. Chez les anglicans, elles peuvent ensuite devenir évêques. Un changement survenu chez ces derniers il y a une trentaine d'années et qui n'est pas passé comme une lettre à la poste: il a touché un point sensible et entrainé beaucoup de départs de prêtres au sein de l'Eglise.
Cette question a toutefois été repoussée car considérée comme «pas assez mure». Mais le débat sera relancé un jour.