Le vainqueur était sans doute le plus surpris des résultats du scrutin de lundi matin. Au premier tour des présidentielles en Roumanie, les sondages prédisaient la septième place à Calin Georgescu, cet outsider prorusse sans parti de 62 ans. Mais au lieu des 8% projetés, Georgescu a obtenu 23% des voix, laissant derrière lui le premier ministre sortant Marcel Ciolacu ainsi que de nombreuses personnalités politiques.
S'il devait être élu président lors du second tour le 8 décembre, Calin Georgescu veut immédiatement suspendre l'aide de la Roumanie à l'Ukraine. Dans son pays, être président offre davantage de pouvoir que dans la plupart des autres Etats membres de l'UE. Le président détermine et dicte avant tout les grandes lignes de la politique étrangère. Klaus Johannis, qui a quitté ses fonctions après deux mandats, avait solidement ancré son pays en Occident, en faisant l'un des plus grands soutiens de sa voisine, l'Ukraine.
Calin Georgescu considère cette guerre comme un terrain d'essai créé artificiellement par le lobby américain de l'exportation d'armes. Il admire Vladimir Poutine, ce «bon patriote russe» et son élection pourrait provoquer d'importants changements. Cet agronome de formation veut faire sortir la Roumanie de l'UE et de l'Otan. Il voit deux grands alliés pour sa patrie: la Russie et la Chine.
Le sexagénaire expose régulièrement ses opinions dans ses vidéos TikTok. Il y tient des discours antisémites et dénonce des théories du complot. L'alunissage américain de 1969 relèverait ainsi de l'illusion d'optique et aucun homme n'aurait encore marché sur la lune. Georgescu a également blâmé le vaccin contre le Covid.
C'est d'autant plus surprenant que Calin Georgescu n'est pas juste un historien local nostalgique d'une autre époque, mais bien un expert international. Il a travaillé plusieurs années à l'université allemande de Münster, mais aussi à Genève et à Vaduz, en partie en tant que directeur de l'Agence des Nations unies pour l'environnement. En 2010, Georgescu est rentré au bercail en tant qu'observateur des droits de l'homme de l'ONU.
Il fait aujourd'hui l'éloge du dictateur et ami d'Hitler, Ion Antonescu (1881-1946), coresponsable de l'assassinat d'environ 300 000 juifs et 25 000 Roms. Il le décrit comme un patriote qui a fait «beaucoup de bien» pour son pays. Après l'invasion russe en Ukraine, pays voisin de l'Est, les déclarations prorusses et antisémites de Georgescu ont eu du mal à passer, même pour le parti d'extrême droite «Alliance pour l'union de tous les Roumains», dont il était alors membre. Depuis, Calin Georgescu n'a plus aucune étiquette politique.
C'est donc en tant qu'indépendant qu'il défiera au second tour l'ancienne journaliste de télévision Elena Lasconi, connue pour sa proximité avec Kiev. Cela n'a pas été bien accueilli dimanche, même au sein de la grande diaspora roumaine, dont le vote a pesé lors de ce scrutin: 43% des personnes interrogées ont voté dimanche pour Calin Georgescu. En Allemagne, 58% des presque 150 000 Roumains expatriés ont soutenu le politicien pro-Poutine.
(Adaptation française: Valentine Zenker)