La feuille de route de Mark Rutte dès son arrivée l'an dernier à la tête de l'Otan en tant que secrétaire général était claire: garder les Etats-Unis dans l'Alliance.
Près de neuf mois plus tard, il est en passe de réussir son pari mardi et mercredi à La Haye, où les 32 dirigeants de l'Otan se retrouvent à l'occasion d'un sommet déjà qualifié d'«historique» par les Etats-Unis. Un diplomate, sous couvert d'anonymat, résume le rôle névralgique qu'a joué Rutte:
Nommé en octobre 2024 patron de l'Alliance atlantique, l'ancien Premier ministre néerlandais a opté pour une stratégie relativement simple: ne jamais critiquer ou contredire l'ancienne star de la téléréalité Donald Trump.
Quand le président américain a suggéré que l'Ukraine était responsable de l'invasion russe, Mark Rutte est resté de marbre. Et lorsque le président américain a menacé de ne plus défendre les Européens alors qualifiés de «mauvais payeurs», il a gardé le silence.
Et le «Secgen», comme on l'appelle à Bruxelles, n'a jamais hésité à saluer les propos du locataire de la Maison-Blanche, sur sa volonté d'aboutir à une résolution rapide de la guerre en Ukraine ou sur ses appels répétés (et appuyés) aux Alliés pour une augmentation sensible de leur budget alloué à la défense. La stratégie a, semble-t-il, payé, comme le remarque Jamie Shea, expert auprès du Royal Institute of International Affairs à Londres:
Le président américain a maintes fois réclamé des Alliés européens et du Canada qu'ils dépensent beaucoup plus pour leur défense, en consacrant au moins 5% de leur Produit intérieur brut (PIB) à leur sécurité. A ce sujet, il avait martelé en mars dernier:
Mark Rutte suggère alors aux Alliés de reprendre le chiffre de 5%, cher à Donald Trump, mais en le fractionnant. Il propose de porter le niveau des dépenses militaires stricto sensu à 3,5% du PIB d'ici 2032, tout en suggérant que les pays de l'Otan portent aussi à 1,5% de leur PIB leurs dépenses liées à la sécurité, au sens large.
Proposer ce que Donald Trump exigeait à cor et à cri et le faire accepter aux Européens, c'est tout simplement «magistral», estime un diplomate européen.
Un «très joli coup», résume de son côté Jamie Shea, avant d'ajouter:
Pourtant, l'affaire s'annonçait plutôt mal engagée. Lorsque Donald Trump a avancé le chiffre de 5%, les premières réactions dans nombre de pays d'Europe étaient unanimes: «pure folie», «absurde», «ridicule».
Mark Rutte a gardé son calme, pour s'intéresser à la façon de faire fonctionner ce qui ressemblait pour beaucoup à un simple slogan imaginé par Donald Trump. Puis a fait cette proposition qui a permis de fédérer tout le monde.
Mais la stratégie de celui qui a été reçu par Donald Trump dans son club de Mar-a-Lago en Floride a aussi fait grincer des dents à Bruxelles, certains jugeant qu'il allait parfois trop loin dans sa volonté de cajoler le milliardaire.
Après l'humiliation subie par Volodymyr Zelensky dans le bureau ovale de la Maison-Blanche en février, ses remarques appelant le président ukrainien à renouer rapidement avec Donald Trump ont choqué certains Alliés.
Mark Rutte a cependant eu l'occasion ces derniers jours de prouver son savoir-faire en trouvant la formule répondant aux objections de l'Espagne sur les 5%, sans rien remettre en cause du compromis obtenu. Un diplomate de l'Alliance à Bruxelles a salué la réussite de Rutte:
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