Le Kremlin a donné des instructions aux médias d'Etat russes sur la manière dont ils doivent rendre compte d'une contre-offensive ukrainienne. C'est ce qu'écrit mardi le média indépendant russe Meduza. Dans un manuel que le portail s'est procuré figurent des conseils sur la manière de minimiser les succès ukrainiens ou de faire l'éloge de l'armée russe.
Le gouvernement russe déconseille aux médias d'affirmer que «Kiev n'est soi-disant pas prête pour une contre-offensive», cite Meduza. Au lieu de cela, les médias sont invités à «ne pas sous-estimer la contre-offensive annoncée de l'Ukraine avec le soutien de l'Otan». L'Occident, qui fournit des armes à Kiev et la soutient «de toutes les manières possibles», devrait être au cœur des contenus.
Que la contre-offensive ukrainienne réussisse ou non, le Kremlin aurait réponse à tout. Meduza se réfère à deux sources qui seraient proches de l'administration présidentielle russe.
«Si l'offensive rate sa cible, on pourra dire que l'armée russe a habilement repoussé une attaque menée avec des armes puissantes». En revanche, si l'Ukraine remporte quelques succès militaires et reconquiert des territoires, le récit pourrait être le suivant, rapporte Meduza:
L'armée russe se serait donc globalement bien débrouillée dans ce cas également, peut-on lire dans le manuel.
Les coûts de l'invasion de l'Ukraine sont un autre sujet tabou pour les dirigeants. Selon Meduza, les médias russes ne doivent pas divulguer le montant des fonds russes alloués aux territoires occupés. Le portail estime qu'environ un billion de roubles, soit 11 milliards de francs, sont dépensés pour les territoires occupés - près de la moitié du trou financier constaté au premier trimestre 2023 (environ 27 milliards de francs).
A la place, les médias russes doivent rapporter comment les problèmes sont résolus en Russie, en mettant en avant les réparations dans les écoles, les jardins d'enfants et les hôpitaux. Le Kremlin est persuadé que de tels reportages trouveront «le soutien du public» en Russie, mentionne Meduza.
Les coûts de «l'opération militaire spéciale» se font ressentir dans l'économie russe. L'opinion publique ne serait donc pas enthousiaste à l'idée que davantage d'argent soit transféré des «anciens» territoires russes vers ceux annexés. Déjà lors de l'annexion de la Crimée, les Russes n'auraient pas voulu accepter des coupes dans les dépenses sociales pour financer la Crimée.
Les célébrations du 9 mai, le «Jour de la victoire» en Russie, sont également considérées comme un «sujet indésirable» dans le guide du Kremlin, écrit Meduza. Et pour cause: les traditionnels défilés militaires pourraient ne pas avoir lieu dans certaines régions du pays, car les autorités ne pourraient pas garantir la sécurité de tous, cite le média.
Il y aura probablement moins de véhicules militaires au défilé que les années précédentes, et s'il y en avait, ils seraient principalement anciens, car les plus modernes sont utilisés sur le front. Les directives du Kremlin conseillent donc aux médias russes de «ne pas en faire trop» dans leur couverture des festivités du 9 mai. (dm)