Ce qui se passe actuellement en Ukraine? Une «opération militaire spéciale», selon les mots de Vladimir Poutine dans la nuit du 23 au 24 février, jour de l'invasion qu'il a ordonnée. Mais le président russe pourrait mettre fin à cette situation lexicale et politique. L'idée: déclarer officiellement la guerre à l'Ukraine, le 9 mai vraisemblablement. Mais pourquoi?
Comme le rappelle BFM TV, la déclaration de guerre est reconnue en droit international. «Elle correspond à une déclaration formelle d'un gouvernement national pour signifier l'état de guerre entre cette nation et une ou plusieurs autres.» Différentes chartes – première et seconde conférences de La Haye sur la paix, ONU... – encadrent cette notion, renvoyant à une réalité illicite depuis la Première guerre mondiale: la guerre, précisément.
La déclaration de guerre est par excellence un acte dit «performatif»: la parole (en l'occurrence d'un chef d'Etat) a directement un effet sur le monde. Idem quand un prêtre déclare deux personnes unies par le mariage. A la différence notable que la déclaration de guerre n’a besoin d’aucune réaction pour produire des effets de droit, comme le souligne Andrea Hamann dans cet article de la revue spécialisée Jus Politicum.
Sur BFM TV ce mardi, le consultant Défense de la chaîne Jérôme Péllistrandi et le spécialiste des relations internationales Patrick Sauce ont expliqué qu'un tel choix permettrait de mobiliser davantage de forces militaires, et surtout de faire entrer la Russie dans une économie de guerre. C'est-à-dire:
C'est que, concernant ce dernier point, la loi martiale pourrait être imposée, comme l'a relevé Libération, «ce qui permettra [notamment] à la Russie de fermer ses frontières [...] et de demander un soutien accru à ses alliés, le Bélarus en tête». Aussi, le journal français constate qu'avec un état de guerre reconnu officiellement, Moscou pourrait garder ses recrues dans ses rangs plus longtemps que leur mandat d’un an.
Le 9 mai est une date hautement symbolique dans le pays de Poutine. Le «Jour de la Victoire», on célèbre la capitulation de l'Allemagne nazie en 1945. Un moment qui a donc une résonance particulière cette année. Rappelons-nous qu'en annonçant son «opération militaire», le dirigeant russe décrivait ses objectifs en ces termes: «Nous nous efforcerons d’arriver à une démilitarisation et une dénazification de l’Ukraine.»
Certains ont parlé du 9 mai 2022 comme un possible jour de la victoire pour la Russie. Mais la fin de la guerre ne semble plus une option: dimanche, dans un entretien avec la télévision italienne Mediaset, le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a assuré que le Kremlin ne souhaitait pas terminer le conflit en Ukraine pour cette date. Ce que l'on murmure aujourd'hui, c'est que Poutine pourrait passer à l'étape supérieure en déclarant la guerre, la vraie.
De son côté, ajoute BFM TV, le porte-parole du département d’Etat américain, Ned Price, a déclaré lundi qu’il y avait «de bonnes raisons de croire que les Russes feront tout ce qu’ils peuvent pour utiliser» cette date symbolique à des fins de propagande. Il a également dit qu’il était au courant de «la spéculation selon laquelle la Russie pourrait officiellement déclarer la guerre» le 9 mai. La spécialiste des sociétés post-soviétiques Anna Colin Lebedev nuance sur Twitter:
«La bulle informationnelle russe a construit une réalité parallèle où tout sert le récit de la Russie victorieuse», ajoute-t-elle. Une annonce stratégique pourrait être faite ce jour-là. «Mais guère plus.»