Ah Jersey...
Son air marin, ses paysages pittoresques, ses côtes sauvages, ses vaches paisibles, ses pâturages verdoyants... et ses pommes de terre homonymes.
Il n'en fallait pas plus pour convaincre le richissime Roman Abramovitch de trouver refuge sur ce lopin de terre 118 kilomètres carrés, situé sur la Manche entre la France et l'Angleterre. Même si on peut quand même soupçonner l'oligarque russe d'avoir été charmé par un autre atout indéniable à ce décor de rêve: ses faibles taxes.
De ce fait, l'île est même devenue le lieu de résidence de certains des plus proches conseillers de l'ancien patron de Chelsea.
D'abord ravies d'accueillir les milliards d'actifs de Roman Abramovitch, les autorités sont désormais incommodées par ce client important. Et pour cause, le milliardaire est soupçonné d'entretenir des liens très étroits avec le Kremlin. En mars dernier, emboîtant le pas aux sanctions imposées par le Royaume-Uni, le gouvernement de Jersey a gelé les avoirs liés aux hommes d'affaires russes: soit quelque sept milliards de dollars d'actifs, soupçonnés d'être liés à l'oligarque.
Mais Jersey ne compte pas s'arrêter là, comme l'a révélé pour la première fois mardi en exclusivité le Wall Street Journal. Les autorités viennent tout juste d'ouvrir une vaste enquête sur l'origine de cette somme exorbitante. Si les investigations n'en sont qu'à leurs débuts et n'ont pas encore atteint le stade d'«enquête officielle», les objectifs sont déjà définis. Il s'agit de faire toute la lumière sur plusieurs aspects encore obscurs:
En mars dernier, la BBC révélait de nouveaux documents attestant que l'oligarque aurait bâti une partie de sa fortune sur des affaires de corruption.
Pour l'heure, les autorités de Jersey n'ont accusé personne de malversations.
L'ancien propriétaire du club de football de Chelsea est détenteur d'un visa britannique. Selon le Wall Street Journal, le gouvernement de l'île avait même proposé au milliardaire d'y résider en 2018.
Ce qui n'avait pas manqué de susciter la grogne de certains habitants. Selon la ministre adjointe au développement économique de l'île, ce n'est pas tant en raison d'un quelconque «problème moral» que pour des motifs de sécurité. La même année, un ancien membre du renseignement russe avait été victime d'un empoisonnement dans le sud de l'Angleterre. Un remue-ménage pas tellement au goût de la population de l'île. «C'est un petit endroit, c'est une petite île. Voulez-vous quelqu'un qui se démarque comme ça?», s'est interrogée Kristen Morel.
En fin de compte, Roman Abramovitch n'avait jamais élu domicile à Jersey.
Autre fait avéré: des sociétés détenant des propriétés d'Abramovitch, des hélicoptères et un yacht de luxe sont enregistrées à Jersey.
Dernière certitude: Abramovitch a encore du pain sur la planche et quelques problèmes à résoudre. Selon le Times, l'intéressé aurait perdu près de la moitié de sa fortune l’année dernière, d'après une liste actualisée des personnes les plus riches du Royaume-Uni. Mais rassurez-vous, il n'est pas à plaindre: la valeur nette d’Abramovitch s'élèverait actuellement à 7,5 milliards de dollars.
Contraint à la vente de son club de football début mars, l'homme d'affaires a finalement renoncé à effacer la dette de 1,8 milliard d’euros que le club lui devait, comme l'a indiqué le Times au début du mois. Finalement, il semblerait qu'il ait changé d'avis: la dette sera remboursée par une société détenue par Abramovitch et située nulle part ailleurs qu'à... Jersey.
Mercredi, le gouvernement britannique a autorisé le rachat du club de Chelsea, par le groupe mené par l'homme d'affaires américain Todd Boehly. (mbr)