International
Guerre contre l'Ukraine

Ukraine, Alaska: «Poutine ne prend pas Trump au sérieux»

Poutine ne prend pas Trump au sérieux, nous raconte un expert
Poutine a «trop souvent» réussi à manipuler Trump, déplore notre expert.Image: Keystone

«Sauf miracle, Trump ne tiendra pas tête à Poutine»

Vladimir Poutine et Donald Trump se rencontrent ce vendredi en Alaska pour parler de la guerre en Ukraine. Qu’est-ce qui pourrait se décider? Quel rôle les Européens peuvent-ils jouer? Le politologue Christoph Frei répond à nos questions.
15.08.2025, 15:0115.08.2025, 17:35
Natasha Hähni / ch media
Plus de «International»

Donald Trump et Vladimir Poutine se rencontrent ce vendredi en Alaska. Quel serait le pire scénario possible?
Christoph Frei: Le pire serait que Trump reste le pion de Poutine et se laisse à nouveau instrumentaliser par le président russe.

epa12300754 US President Donald Trump looks on during an event marking the 90th anniversary of the Social Security Act, in the Oval Office at the White House, Washington, DC, USA, 14 August 2025. Pres ...
Le président américain Donald Trump s'entretient aujourd'hui avec Vladimir Poutine en Alaska.Image: keystone

Sous quelles conditions Donald Trump considérerait-il le sommet comme un succès?
Pour Donald Trump, à peu près tout ce qui se passera à Anchorage peut être considéré comme un succès. Pourquoi? Parce qu’une de ses volontés les plus fortes est de «bien paraître», de dégager une image de force. La substance des négociations importe moins que l’effet visuel.

«Ce besoin de toujours soigner son image guide plus ses décisions que tout autre facteur»

Et pour Volodymyr Zelensky?
Pour lui, l’idéal serait que Trump réalise que Poutine n’a aucune intention de mettre fin à la guerre – et qu’il en tire les conséquences. Dans ce scénario, Donald Trump, mû par son obsession d’obtenir un prix Nobel de la paix, adopterait une ligne dure vis-à-vis de Moscou. Ce serait le meilleur résultat pour Kiev: le président américain exerçant une réelle pression sur la Russie.

Christoph Frei ist Professor für Politikwissenschaften mit dem Schwerpunkt internationale Beziehungen. Er forscht seit 1988 regelmässig in den USA.
Christoph Frei, politologue à l'Université de Saint-Gall.Image: zvg

Cette semaine encore, Donald Trump a menacé Vladimir Poutine de graves conséquences s’il ne cède pas. Mais il a déjà repoussé à plusieurs reprises un précédent ultimatum. Poutine prend-il Trump au sérieux?
Pas vraiment. Trop souvent, il a réussi à le manipuler. La vraie question est: la Russie détient-elle de quoi faire chanter Trump? Certains experts, comme Ueli Schmid de l’Université de Saint-Gall, jugent cette hypothèse plausible. Pourquoi Trump agit-il si souvent dans le sens des intérêts russes? Est-ce uniquement par sympathie pour les «hommes forts», ou y a-t-il autre chose?

«Quoi qu’il en soit, s’il a pu être efficace en affaires immobilières, il n’a jusqu’ici guère brillé face à des dirigeants autoritaires»

Les partisans de Trump rappellent pourtant l’accord de paix entre l’Azerbaïdjan et l’Arménie, auquel il aurait contribué.
Trump aime s’imposer au premier plan, pas seulement pour récolter des honneurs mais pour exister médiatiquement. L’ampleur réelle de l’apport américain à cet accord reste floue, beaucoup d’éléments ayant été prévisibles. Mais le fait est que l’accord a été signé, ce qui ne doit pas être minimisé. En revanche, au Proche-Orient comme en Ukraine, les interventions américaines sous Trump se sont révélées nettement moins fructueuses.

«Son émissaire Steve Witkoff s’y distingue davantage par son ignorance que par sa compétence»

Pourquoi ce sommet sur sol américain, en Alaska, et non en terrain neutre?
Parce que Vladimir Poutine ne peut pas se déplacer librement en terrain neutre: il fait l’objet d’un mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale. Les Etats-Unis, sceptiques envers cette institution, n’y voient pas d’obstacle. Le simple fait de rencontrer le président américain – pour la première fois depuis l'invasion de l'Ukraine – est déjà une victoire majeure pour Poutine. Cela légitime en partie ses actes et lui offre une tribune sur le sol américain.

Members of the media stand outside Joint Base Elmendorf-Richardson in Anchorage, Alaska, Thursday, Aug. 14, 2025, ahead of a meeting between President Donald Trump and Russia's President Vladimir ...
C'est à Anchorage, en Alaska, que les deux présidents se rencontrent aujourd'hui.Image: keystone

Quels sont les pièges qui guettent Donald Trump dans cet entretien?
Pour lui, tout scénario serait un succès. Mais pour les autres, l’issue peut être lourde de dangers. L’Ukraine pourrait perdre gros si Poutine obtient des concessions: réduction de l’aide militaire américaine, reconnaissance implicite de l’annexion des quatre oblasts occupés (Lougansk, Donetsk, Zaporijjia, Kherson)…

«Ce serait franchir la ligne rouge pour Kiev, en violation flagrante de la Charte de l’ONU. Et ces décisions seraient prises sans que l’Ukraine soit représentée»

Ni Zelensky ni aucune délégation européenne ne sont invités. Peut-il en sortir un accord satisfaisant pour tous?
Non. On ne peut pas défendre équitablement les intérêts ukrainiens si seuls Poutine et Trump négocient. Un mandat crédible exige un minimum de neutralité – ce qui n’est pas le cas ici.

«Sauf miracle, Trump ne tiendra pas tête à Poutine»

En face-à-face, le président russe est clairement supérieur: Trump a, selon moi, la capacité d’attention d’une sauterelle, ce qui l’empêche de se concentrer longtemps. D’où la crainte qu’il ne devienne encore une fois l’instrument de Poutine.

Peut-on tout de même espérer qu'il en sorte quelque chose de positif?
Les pacifistes diront que le simple fait qu'ils se rencontrent est un bon signe. Je n’en suis pas convaincu. Cet entretien légitime en partie les actions de Poutine et n’offre aucun équilibre entre les parties.

En Ukraine, de plus en plus de voix se disent prêtes à envisager la paix par la négociation.
Oui, mais seulement si toutes les parties sont présentes. Un certain réalisme s’installe: il sera difficile de mettre fin au conflit sans pertes territoriales. Le retour de toutes les régions occupées est improbable; certaines zones de l’est du pays ont changé à ce point qu’un retour à l’Ukraine paraît irréaliste. Cette prise de conscience pourrait mener à des compromis, mais à condition d’obtenir en échange de solides garanties de sécurité – inexistantes pour l’instant.

epa12292775 Ukrainian rescuers and policemen work at the site of the Russian strike on a bus station in Zaporizhzhia, Ukraine, 10 August 2025. At least 19 people were injured after a Russian guided ae ...
Alors que Vladimir Poutine et Donald Trump s'entretiennent en Alaska, les combats se poursuivent en Ukraine (photo prise à Zaporijjia).Image: keystone

Si la paix impliquait de céder une partie du Donbass, Vladimir Poutine s’en contenterait-il?
Non. Moscou reste campé sur ses exigences formulées en juin 2024. Profitant de son avantage militaire et du manque de volonté politique de l’Occident, Poutine ne concédera rien.

«La seule issue surviendrait grâce à de véritables négociations, avec des médiateurs crédibles – idéalement la Chine et les Etats-Unis»

La Suisse pourrait-elle jouer ce rôle?
Rien n'est impossible.

Et après le sommet? Quelles seront les prochaines étapes?
Sans volonté politique des deux côtés, aucun progrès substantiel n’est possible. Il faudrait une pression extérieure massive: aide militaire accrue à Kiev, sanctions économiques renforcées contre Moscou… Mais tant que Poutine ne prendra pas au sérieux les menaces de Trump, les avancées réelles resteront peu probables.

Adapté de l'allemand par Tanja Maeder

L'Ukraine attaque une ville russe située à 1300 km de ses frontières
Video: watson
Ceci pourrait également vous intéresser:
As-tu quelque chose à nous dire ?
As-tu une remarque pertinente ou as-tu découvert une erreur ? Tu peux volontiers nous transmettre ton message via le formulaire.
4 Commentaires
Comme nous voulons continuer à modérer personnellement les débats de commentaires, nous sommes obligés de fermer la fonction de commentaire 72 heures après la publication d’un article. Merci de votre compréhension!
4
Etats-Unis: La Garde nationale bientôt mobilisée dans 19 Etats
Envrion 1700 soldats de la Garde nationale devraient être déployés dans 19 Etats américains dans les semaines à venir. Objectif: intensifier la lutte contre l'immigration et la criminalité, selon des responsables du Pentagone.
La chaine de télévision américaine Fox News a révélé vendredi le déploiement imminent de troupes sur le territoire. Cela concerne notamment l'Alabama, le Texas, la Floride, l'Iowa et le Wyoming. La Garde nationale y resterait jusqu'à la mi-novembre.
L’article