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Transnistrie: Poutine ignore «l’appel à l’aide» de son allié

Le discours de Poutine transmis en direct à Moscou.
Le discours de Poutine transmis en direct à Moscou.Keystone

Poutine ignore «l’appel à l’aide» de son allié

Le discours de Poutine sur l'état de l'Union était très attendu. Le chef du Kremlin a créé la surprise à Moscou parce qu'il a décidé d'ignorer un sujet très important.
01.03.2024, 11:5301.03.2024, 12:15
Simon Cleven / t-online
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Vladimir Poutine ne cessera donc jamais de nous étonner. Dans son discours sur l'état de l'Union, il a abordé de nombreux sujets: la guerre en Ukraine, la situation économique et les problèmes démographiques de la Russie. Il a aussi menacé les alliés de Kiev: le déploiement de troupes occidentales dans le pays, vaguement évoqué par son homologue français Emmanuel Macron, présente un «risque réel de conflit nucléaire», a assuré le chef du Kremlin.

Son discours, prononcé devant un millier de représentants du monde politique, économique, culturel et religieux, a duré environ deux heures. Jusqu’à présent, rien d'anormal.

Mais cette prise de parole était très attendue à l'international, après que les séparatistes pro-russes avaient fait sensation la veille en Transnistrie. Ils ont en effet demandé à la Russie une «protection» contre la République de Moldavie, à qui appartient officiellement la région.

La Transnistrie, alliée de Poutine, prévoit-elle de rejoindre la Russie?
Image: watson

De nombreux observateurs y ont immédiatement vu le petit jeu désormais classique du Kremlin: dans l'est de l'Ukraine, les forces alliées de la Russie avaient également fait appel à Moscou pour défendre la population russophone d'une prétendue menace. Résultat: un conflit qui a ébranlé le Donbass à partir de 2014 et s’est transformé en une guerre à large échelle en février 2022.

Alors, qu’a concrètement dit Vladimir Poutine? Rien. Il n'a pas mentionné la Transnistrie dans son long discours. Au lieu de cela, il a ressorti sa vieille histoire de la menace de l’Otan et a souligné les soi-disant grands succès de l’économie russe. Pourquoi avoir ignoré «l’appel à l’aide» de la Transnistrie, qui pourrait servir de prétexte à de nouvelles mesures militaires dans la région?

Une guerre hybride

Pour Brigitta Triebel, qui dirige le bureau moldave de la Fondation Konrad Adenauer, il y a explication très simple:

«La demande de la Transnistrie a tout d'une guerre hybride voulue par la Russie»

Selon l'experte, Moscou chercherait à provoquer des troubles supplémentaires, en sachant que les Moldaves se préparent, depuis le début de l'invasion russe de l'Ukraine, à être les prochains.

Néanmoins, il n’est pas surprenant que Poutine ait finalement ignoré le sujet dans son allocution, poursuit Brigitta Triebel: «La Russie sait que la Moldavie n'est, pour l'heure, pas physiquement accessible». Et le président russe semble faire preuve de réalisme sur ce point:

«Si les troupes russes avaient pu atteindre la frontière moldave, elles l'auraient envahi depuis longtemps»
Brigitta Triebel

Lors de la guerre en Ukraine, les troupes russes ont progressé le long de la mer Noire en direction d’Odessa et donc également de la Moldavie. Cependant, ils n’ont pas encore atteint la ville portuaire ukrainienne. Une conquête dans un avenir proche semble également irréaliste pour le moment, la flotte russe manquant notamment de moyens en mer Noire.

Moscou ne reconnaît pas la Transnistrie

En outre, la décision de Transnistrie s’apparente davantage à un appel général: «La Russie, mais aussi l’UE, a été appelée au secours», rappelle Brigitta Triebel. Des phénomènes similaires se sont produits à plusieurs reprises au cours des dernières décennies. «Si la Transnistrie avait demandé son intégration à la Russie, cela aurait représenté une nouvelle dimension», estime la spécialiste. Mais le Kremlin ne reconnaît même pas la Transnistrie pour le moment.

Selon Brigitta Triebel, la demande des séparatistes de Transnistrie a avant tout des raisons de politique intérieure:

«La Moldavie collecte depuis deux bonnes années des impôts que les entreprises de la région séparatiste avaient à peine payés auparavant»
Brigitta Triebel

Pendant de nombreuses années, les entreprises dirigées par l’oligarchie ont pu faire des affaires en Moldavie, en Ukraine, en Russie et dans l’UE, pratiquement sans être inquiétées. Dans cette perspective et dans la perspective des prochaines élections présidentielles de cette année, les séparatistes auraient peut-être voulu faire pression sur la présidente sortante Maia Sandu, soupçonne Brigitta Triebel.

Andreas Umland, du Centre d'études de l'Europe de l'Est de Stockholm, s'est étonné que Poutine ait ignoré la Transnistrie: «Je m'attendais à ce que Poutine fasse au moins un commentaire sur le sujet», confie-t-il. Il était prévisible que le locataire du Kremlin n’annexerait pas directement la région. «Mais cela n'a rien donné, et c'est surprenant.» Le spécialiste soupçonne que la demande de la Transnistrie a peut-être été tout simplement formulée trop tard.

Nouvelle Russie

La prise de parole de Poutine est plutôt à qualifier de discours de campagne, estime l'expert. Cependant, le chef du Kremlin n’en a probablement pas encore fini avec la région séparatiste. «La Transnistrie fait clairement partie de l'idée actuelle de Nouvelle Russie portée par de nombreux idéologues russes», explique-t-il. Poutine, qui a mentionné à plusieurs reprises la «Nouvelle Russie» dans son discours sur l’état de la nation, adhère également à cette idée. Il s'agit de la région située au nord de la mer Noire.

Andrea Umland qualifie également d’«étonnante» la place qu'a faite Poutine à la question de la démographie dans son discours. Le président russe a attiré l'attention sur le déclin de la population de son pays et a appelé les gens à fonder des familles nombreuses avec de nombreux enfants. En dehors de cela, affirme l'expert, pratiquement aucun aspect du discours du chef du Kremlin n'était surprenant.

«Le président russe a fait l'éloge de la situation politique intérieure et a détaillé les succès économiques»
Andreas Umland

«Le style de Poutine pourrait être qualifié de "néo-soviétique"», conclut-il. Sa manière de parler est similaire à celle des anciens chefs d’Etat de la période communiste.

(Traduit et adapté par Valentine Zenker)

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