C'est le pays le plus pauvre d'Europe et l'un des plus petits: la République de Moldavie. Ce mini-Etat, d'une superficie totale d'environ 34 000 kilomètres carrés et d'environ 2,5 millions d'habitants, est bordé à l'ouest par la Roumanie (et donc par l'Union européenne) et au nord, au sud et à l'est par l'Ukraine. La moitié des Moldaves ont un passeport roumain.
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Mais cette position «sandwich» n'est pas la seule raison des nombreuses convoitises géopolitiques. La Moldavie est une ancienne république soviétique. Et c'est l'une de celles qui n'acceptent pas (ou plus) le diktat secret de Moscou.
Fin 2020, l'économiste pro-européenne Maia Sandu a remporté les élections présidentielles face au président sortant Igor Dodon, favorable à la Russie.
Depuis, le gouvernement de Moscou fait tout pour mettre le pays au pas. Pour cela, il mise sur un instrument de pouvoir qui a fait ses preuves: l'approvisionnement énergétique. En 2022, la Moldavie achetait encore 80% de son gaz à la Russie. En hiver, le Kremlin a fait réduire les livraisons de gaz, soi-disant en raison de «problèmes de transit» par l'Ukraine.
Conséquence: une explosion des prix de l'énergie dans un pays où le salaire mensuel moyen s'élève à l'équivalent de 220 euros. Cela a suscité l'inquiétude de la population. Depuis des mois, des manifestations ont lieu contre le gouvernement, officiellement organisées par l'opposition, mais soutenues par des forces russes selon la police.
Le conflit en Transnistrie vient encore aggraver la situation. Située à l'est du pays, à la frontière entre la Moldavie et l'Ukraine, cette région sécessionniste s'est déclarée indépendante en 1992, mais est de fait dirigée politiquement et économiquement par Moscou. Environ 1500 soldats russes sont stationnés dans cette étroite bande de terre.
En février déjà, la présidente moldave Sandu avait averti que la Russie pourrait tenter de renverser le gouvernement de la capitale Chişinău et de le remplacer par un régime fidèle au Kremlin. Le même mois, le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov a vilipendé la Moldavie en la qualifiant de «projet antirusse» de l'Occident.
En mars, un document stratégique qui proviendrait du Kremlin a été rendu public. En cinq pages, il décrit comment renforcer les courants pro russes dans le pays et détourner la Moldavie de son rapprochement avec l'Occident. La carotte et le bâton sont les mots d'ordre. Le comportement pro russe doit être «récompensé» par des aides économiques, les coopérations avec l'Otan et l'Union européenne doivent être «punies».
L'objectif est de faire en sorte que davantage d'enfants moldaves apprennent le russe par le biais de l'enseignement à distance. Il existe déjà dans le pays une minorité considérable dont la langue maternelle est le russe. Le document précise également que, du point de vue russe, la République de Moldavie est un élément symbolique de la lutte contre l'Occident.
Le gouvernement moldave place son dernier espoir dans l'Union européenne. En mars 2022, le gouvernement a déposé une demande d'adhésion.
En juin, la Moldavie a obtenu le statut de candidat à l'adhésion, tout comme l'Ukraine. Le pays espère une adhésion d'ici 2030. En mai, la présidente Sandu a appelé à une manifestation pro-européenne. Des dizaines de milliers de personnes sont venues.
Ce jeudi, tous les chefs d'Etat et de gouvernement de l'UE et d'autres dirigeants européens se sont réunis au château de Mimi, près de la capitale Chişinău, pour assurer la République de leur solidarité lors du sommet de la Communauté politique européenne. Le chancelier allemand Olaf Scholz, le conseiller fédéral Alain Berset et le président ukrainien Volodymyr Zelenski étaient également de la partie.
Le gouvernement espère «un effet positif du sommet sur l'ambiance dans son propre pays», explique Brigitta Triebel, directrice du bureau à l'étranger de la Konrad-Adenauer-Stiftung (KAS) en Moldavie.
Reste à savoir comment le gouvernement de Moscou réagira au sommet.
Il est possible qu'il y ait en réponse des violations de l'espace aérien moldave, comme cela a déjà été le cas par le passé.
Le véritable danger se situe ailleurs. «Si un gouvernement pro russe devait prendre le pouvoir en Moldavie, cela signifierait un nouveau front à défendre pour l'Ukraine», explique Brigitta Triebel. Et à l'ouest, la Russie étendrait sa zone d'influence jusqu'à la frontière avec la Roumanie et donc un membre de l'UE et de l'Otan.
(Traduit et adapté par Noëline Flippe)