Après l'invasion de l'Ukraine, la vénérable institution suédoise Ikea avait été l'une des premières à suspendre ses activités en Russie et à faire ses cartons.
Les Russes devaient donc dégoter un autre moyen d'assouvir leur besoin en étagères Billy, cadres décoratifs et autres indispensables mugs. Heureusement, le service pénitentiaire fédéral (GUFSIN) a pensé à tout. Son idée? Faire fabriquer des meubles par les détenus de plusieurs établissements à travers le pays.
Toutes ces productions ont été présentées à la clientèle lors de la 11e exposition annuelle des produits griffés «GUFSIN», organisée cette semaine à Ekaterinbourg. Gazebos, mobilier de jardin, barbecues, jouets pour enfants, figurines religieuses ou encore coffres-forts ont été empilés sur les rayonnages - pour le plus grand plaisir de la population avide de dénicher des remplaçants à leurs pendants étrangers.
Pas moins de 3,5 millions de roubles (56 000 francs) de chiffre d'affaires ont été générés en deux jours d'exposition.
Le chef du Département d'adaptation au travail des condamnés du GUFSIN, Ivan Sharkov, s'est félicité de ce joli succès auprès de la presse locale. Selon lui, la production dans les pénitenciers est amenée à se développer et à s'intensifier encore davantage ces prochains mois, afin de remplacer le vide laissé par les entreprises occidentales.
«La tâche principale des industries dans les prisons est l'emploi des condamnés afin qu'ils reçoivent un salaire normal», conclut le fonctionnaire.
The Insider Russia s'est toutefois permis de remettre en doute cette affirmation. Selon le média d'investigation, la Russie serait plutôt encline à entretenir un impitoyable système de travaux forcés, dont les conditions de travail flirtent avec la «torture». Des militants des droits de l'homme ont déjà tiré la sonnette d'alarme sur le problème de l'utilisation du travail forcé et mal rémunéré (si ce n'est carrément bénévole) dans les prisons russes.
Dans l'enquête d'Insider, un ancien prisonnier de la colonie pénitentiaire de la région d'Omsk témoigne: «Le salaire maximum est de 300 roubles par mois. Mais ça ne m'est arrivé qu'une ou deux fois. Le minimum est de 30 roubles. On travaillait tous les jours, samedi et dimanche compris.»
Tables de chevet et nains de jardin ne seraient d'ailleurs pas les seules productions à voir le jour dans ces ateliers. D'autres «petits» cadeaux destinés à remercier de hauts responsables russes ont également été fabriqués et peints par la main délicate des détenus. Parmi les icônes religieuses et armes militaires clandestines: un yacht à l'intention du procureur en chef de la région d'Omsk, construit à partir... d'un vieux remorqueur. (mbr)