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Les câbles sous-marins, faiblesse de l'Europe face à la Russie

Fuite de gaz en mer Baltique suite au probable sabotage des gazoducs Nord Stream.
Fuite de gaz en mer Baltique suite au probable sabotage des gazoducs Nord Stream.capture d'écran

Le talon d'Achille de l'Europe est sous-marin et la Russie le sait

Les réseaux de gaz et d'électricité européens dépendent de lignes d'approvisionnement importantes qui sont vulnérables pour qui cherche à les endommager. La Russie s'intéresse depuis longtemps aux points faibles des infrastructures.
02.10.2022, 08:00
Un article de
t-online
Fabian Reinbold, Lars Wienand et Jonas Muelle
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Internet, l'électricité, le gaz: difficile de faire sans tout ça. Manquer de l'un ou de l'autre, pire encore, des trois à la fois, peut plonger nos sociétés dans de graves crises. C'est pourquoi on appelle «infrastructures critiques» les lignes d'approvisionnement, les nœuds et les stations de distribution qui permettent que tout se déroule comme prévu.

Leur protection fait depuis toujours partie des réflexions sur la sécurité nationale en Europe – et pourtant, elle n'est toujours pas garantie à 100%. Les attaques présumées contre les gazoducs Nord Stream 1 et 2 en mer Baltique le montrent. Des acteurs malintentionnés tels que la Russie cherchent depuis longtemps les failles sécuritaires – d’Internet aux alimentations électriques et gazières.

Les connexions Internet

Le trafic mondial de données ne dépend que de quelques lignes. Si elles étaient détruites, des Etats ou des continents entiers seraient privés d'Internet et de téléphone, le marché boursier s'effondrerait et même les communications militaires deviendraient difficiles. Certains câbles particulièrement importants pour les Etats-Unis, l'Europe et l'Allemagne traversent l'Atlantique au fond de la mer.

Depuis des années, on craint qu'en cas de conflit, la Russie en particulier ne s'attaque à ce talon d'Achille de l'infrastructure transatlantique. Des navires-espions de la marine russe ont été aperçus à plusieurs reprises à proximité des câbles, par exemple au large de la côte ouest de l'Irlande.

Certains de ces navires, dont le Jantar présenté comme un moyen de recherche, disposent de ce que l'on appelle des mini sous-marins à des fins de sabotage. Dans des eaux encore plus profondes, des sous-marins peuvent servir de navires-mères à ces mini engins.

En raison des investissements massifs de la Russie dans des navires de sabotage, l'OTAN aurait déjà adapté son concept de surveillance de l'espace maritime, écrit l'expert naval H. I. Sutton dans une analyse pour Forbes parue il y a deux ans. Le sérieux avec lequel la sécurité des câbles est prise en compte a été illustré au début de cette année par un avertissement clair de la Grande-Bretagne à l’intention du Kremlin.

«Toute tentative d'endommager les câbles pourrait être considérée comme un "acte de guerre"»
l'amiral Tony Radakin au Times britannique

Radakin est le commandant des forces armées de Grande-Bretagne. Le jour d'avant, une ligne importante pour les communications en Norvège avait été abîmée dans des circonstances inexpliquées.

Le courant électrique

Les installations électriques font également partie de l'infrastructure critique. En 2015, suite à une cyberattaque, plus de 200 000 foyers ukrainiens ont été touchés par une panne de courant de plusieurs heures. Les systèmes informatiques de plusieurs sous-stations avaient été désactivés par un logiciel malveillant appelé Black Energy. Les services de sécurité mettent en garde depuis des années contre de telles attaques. Le vice-président du service de renseignement allemand, Wolfgang Wien, a récemment déclaré lors d'une conférence à Potsdam:

«Nous devons être conscients que la Russie est présente dans nos réseaux»
Wolfgang Wien, vice-président du service de renseignement allemand

L'électricité peut toutefois être paralysée à grande échelle sans que cela passe par du piratage. C'est ce qu'aurait planifié un groupe d'anciens soldats de la NVA (réd: la Nationale Volksarmee, ex-Allemagne de l'Est communiste) et de la Bundeswehr (Allemagne fédérale) baptisé «patriotes unis» avec son projet «Silent night» (nuit silencieuse). La possibilité de provoquer une panne et de semer le chaos avec peu de moyens donne encore et toujours des idées de renversement aux terroristes et aux extrémistes. Après tout, l'infrastructure électrique est très vulnérable.

Cette vulnérabilité s’est manifestée en Europe en 1999, lors de la guerre dans les Balkans. A l'époque, le porte-parole de l'OTAN, Jamie Shea, avait annoncé que «l'OTAN avait désormais les doigts sur l'interrupteur en Yougoslavie, et que nous pouvions couper le courant quand nous le devions, où nous le voulions». Et effectivement, l'alliance de défense a utilisé des bombes dites «black-out».

La fragilité du réseau électrique lors d'imprévus a encore été démontrée le 4 novembre 2006. De vastes régions d'Europe ont subi une coupure de courant d’au maximum deux heures à cause de la mise hors tension pourtant programmée d'une ligne à très haute tension dans le district allemand de l'Emsland. L’interruption devait permettre au navire Norwegian Pearl de passer sous la ligne.

Le courant a donc été détourné par des lignes qui n’ont pas supporté cette surcharge. Une amélioration des mesures de sécurité devrait certes permettre d'éviter des incidents similaires, mais il n'est pas possible de les exclure.

Les gazoducs et les oléoducs

Les gazoducs et les oléoducs sont des cibles particulièrement vulnérables, que ce soit sur terre ou en mer. Le week-end dernier encore, l'inspecteur allemand de la marine, le vice-amiral Jan Christian Kaack, a mis en garde dans une interview contre les dangers de la «Seabed Warfare», c'est-à-dire la conduite d’une guerre dans les fonds marins – et la vulnérabilité des infrastructures critiques.

«La Russie a également déployé des moyens considérables sous l'eau», a-t-il déclaré au journal Die Welt. Kaack poursuit:

«Au fond de la mer Baltique, mais aussi dans l'Atlantique, il y a pas mal d'infrastructures critiques comme des pipelines ou des câbles pour l'informatique. Les Russes peuvent rapidement éteindre la lumière dans des pays comme l'Estonie, et des menaces pèsent sur les infrastructures de communication mondiales auxquelles il faut faire particulièrement attention. Ce n'est pas pour rien que des unités russes sous-marines ou de surface patrouillent dans la zone de ces câbles pendant une longue période».

Alors que seules des troupes d'intervention hautement spécialisées peuvent mener de telles opérations sous l'eau, sur terre les câbles sont beaucoup plus faciles à saboter.

Activisme climatique

Ainsi, en avril, deux activistes climatiques du groupe «Letzte Generation» (réd: Ultime génération) ont tenté d'attaquer un oléoduc dans le Mecklembourg-Poméranie occidentale. Selon la police, ils avaient prévu de dévisser les vannes d'arrêt d'une station de pompage de l'oléoduc Rostock-Schwedt. La manœuvre a été évitée, la police a annoncé par la suite qu'elle allait étendre sa présence sur les points d'infrastructures critiques.

Les experts voient un risque potentiel pour la sécurité dans le fait que les infrastructures ont été vendues ces dernières années à des filiales des groupes publics russes Gazprom (c’est le cas du plus grand réservoir de gaz allemand à Rehden, en Basse-Saxe) ou Rosneft (par exemple la raffinerie de pétrole de Schwedt).

Enfin, l’année dernière, les Etats-Unis ont pu constater que les pipelines pouvaient également être la cible de cyberattaques. Via un logiciel de cryptage, le Colonial Pipeline, le plus grand oléoduc de produits pétroliers raffinés du pays, a été paralysé pendant six jours. La société exploitante a payé une rançon aux pirates informatiques. La côte est des États-Unis a connu une pénurie de carburant dans plusieurs aéroports et des achats de panique dans les stations-service de nombreuses grandes villes.

Quelques sources, pour aller plus loin:

Bella Ciao - La Casa De Papel
Video: watson
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