L'idée qu'un hiver froid mettrait l'Europe à genoux est très répandue en Russie. Ainsi, dès le mois de septembre, une vidéo de propagande russe a fait le tour des médias sociaux.
Dans la première séquence de la vidéo, on voit un homme en uniforme de Gazprom qui ferme un robinet de gaz. Un brouillard froid s'étend sur le pays, les paysages sont recouverts de neige. La vidéo est accompagnée d'une chanson qui a déjà été publiée en 2015 par la chanteuse russe Varvara Vizbor. En français, la chanson s'intitule L'hiver sera grand.
Jusqu'à présent, l'Europe n'a pas connu d'hiver froid. Poutine semble avoir tort une fois de plus, car aucun pays européen n'envisage de mettre fin aux sanctions contre la Russie en raison d'un «grand hiver».
Car l'Europe a actuellement - contrairement aux espoirs de Poutine - suffisamment de gaz. C'est ce que confirme Christian Opitz, directeur du centre de compétences Energy Management (ior/cf-HSG) de l'Université de Saint-Gall. Il affirme que la sécurité d'approvisionnement en Europe du Nord est stable malgré les restrictions de transport par gazoduc. Il cite comme raison l'augmentation des importations de gaz liquide ainsi qu'une augmentation de la production norvégienne au profit de l'approvisionnement européen.
Il constate en outre:
Ce n'est pas la première fois que Poutine joue mal au poker: Ulrich Schmid, professeur de culture et de société russe, est convaincu que le maître du Kremlin avait déjà fait de fausses suppositions avant le début de la guerre.
Dès la fin de l'année 2021, c'est-à-dire avant même le début de la guerre, les prix du gaz ont augmenté dans toute l'Europe. Cela était dû à une situation de pénurie, explique le professeur. A l'époque, la Russie n'avait pas elle-même fait grimper le prix du gaz. Schmid précise:
Les prix élevés du gaz ont bien sûr joué en faveur de la Russie, c'est pourquoi le Kremlin n'a délibérément rien fait pour contrecarrer les prix:
Vladimir Poutine a non seulement sous-estimé la volonté de résistance de l'armée ukrainienne et surestimé la combativité de ses propres troupes, mais il ne s'attendait pas non plus à ce que l'Occident sanctionne aussi massivement la Russie, explique le spécialiste de la Russie.
Le professeur concrétise en disant que cela aurait déjà dû être un moment clé pour le président:
Schmid cite un autre point sur lequel Poutine s'est trompé: l'impact des explosions des pipelines Nord Stream en septembre. L'expert constate que les explosions n'étaient probablement pas un acte de sabotage de la part de la Russie.
Il n'y a aucune raison pour la Russie de détruire durablement cette infrastructure, car les livraisons d'énergie vers l'Occident pourraient être stoppées rien qu'en fermant le robinet de gaz, affirme Schmid.
Suite à ces explosions, le président russe aurait déclaré, lors d'un forum sur l'énergie à Moscou, que la Russie fournirait à nouveau du gaz à l'Occident si ce dernier levait ses sanctions. Schmid maintient que «c'était encore un vœu pieux».
Mais ce n'est pas tout, maintenant les températures douces mettent à nouveau des bâtons dans les roues du chef du Kremlin:
Malgré les températures élevées et les réservoirs de gaz pleins, il ne faut toutefois pas se laisser aller à une fausse sécurité, explique l'expert en énergie Christian Opitz.
«Les réservoirs de gaz pleins et les températures douces ne sont qu'un instantané, la situation peut rapidement se dégrader à nouveau», constate-t-il. Le professeur de la HSG ajoute que la récente vague de froid aux Etats-Unis montre clairement que la situation peut aussi changer très rapidement en Europe.
Opitz souligne qu'il est toujours conseillé - même s'il n'y a pas de pénurie aiguë - d'utiliser l'électricité et le gaz avec parcimonie: «Toutes les ressources dont nous n'avons pas besoin maintenant, nous pouvons les mettre de côté pour plus tard».