Le groupe Wagner a fait son apparition en Ukraine peu après le début de la guerre, en mars 2022. Sa présence sur place, d'abord marginale, n'a cessé de grandir au fil des mois: l'organisation paramilitaire russe est désormais un acteur central de l'«opération militaire spéciale» du Kremlin.
Peu de chiffres existaient toutefois à ce sujet. De récentes déclarations des autorités américaines et britanniques permettent maintenant d'avoir une idée plus précise de la présence de Wagner en Ukraine.
En mars 2022, un millier de mercenaires de Wagner auraient été envoyés en Ukraine. Selon le gouvernement britannique, ce nombre est désormais passé à plus de 20 000, ce qui correspond à environ 10% des forces russes sur le terrain.
Les Etats-Unis vont encore plus loin et estiment à 50 000 le nombre de mercenaires déployés en Ukraine, a affirmé jeudi John Kirby, porte-parole du département de la Défense américain.
Dans les deux cas de figure, il s'agit de quantités très élevées, comparables voire largement supérieures aux volontaires étrangers se battant pour l'Ukraine, dont le nombre est estimé à environ 20 000 unités.
Pour accomplir cette croissance fulgurante de ses effectifs, le groupe Wagner a puisé dans les prisons. En septembre, une vidéo avait fait sensation: on y voyait le patron du groupe, Evgueni Prigojine, en train de recruter des détenus dans la cour d'un pénitencier russe.
«Personne ne doit retourner derrière les barreaux. Si vous avez servi six mois, vous êtes libres. Si vous arrivez en Ukraine et que vous décidez que ce n'est pas pour vous, nous vous exécuterons», avait notamment affirmé ce proche de Poutine.
Cette vidéo n'a pas été un cas isolé. Selon des sources britanniques, le nombre de condamnés dans les prisons russes a chuté de 23 000 pendant les mois où le groupe Wagner a mené sa campagne de recrutement.
Prigojine pourrait aller plus loin. Le chef de Wagner envisage actuellement de recruter également des détenues, rapporte le groupe de réflexion «Institute for the study of war» (ISW). Elles seraient notamment censées participer en tant que doctoresses et infirmières. Pour la chercheuse russo-américaine Vera Miranova, cela pourrait indiquer que le groupe est à court de détenus masculins à envoyer en Ukraine.
Les chiffres avancés par les Etats-Unis peuvent le laisser penser. Des 50 000 hommes déployés en Ukraine, 40 000 seraient d'anciens prisonniers, a relaté John Kirby. Les mercenaires de profession ne seraient ainsi que 20% des effectifs totaux.
Les anciens détenus jouent un rôle majeur dans la bataille de Bakhmout. Les forces russes et ukrainiennes se battent depuis des mois pour le contrôle de cette ville, sans qu'aucune partie n'arrive à s'imposer sur l'autre.
Les mercenaires russes utilisent une stratégie particulièrement brutale qui s'appuie justement sur les prisonniers recrutés par Wagner. Ces derniers sont envoyés à l'assaut dans l'unique objectif de forcer les Ukrainiens à répondre et, ce faisant, révéler leur position et gaspiller leurs munitions.
Selon John Kirby, plus de 1000 mercenaires ont été tués ces dernières semaines dans la région. Les défenseurs ukrainiens les appellent désormais «soldats à usage unique».
L'acharnement du groupe Wagner à Bakhmout s'explique. De plus en plus critique vis-à-vis de Vladimir Poutine, Evgueni Prigojine est entré dans une sorte de compétition interne avec l'armée russe, affirme l'ISW. En capturant Bakhmout, il espère montrer que sa milice est plus performante que l'armée régulière et, ce faisant, accumuler de l'influence politique.
Il est probable qu'il continuera à étendre le rôle démesuré du groupe Wagner dans la guerre pour atteindre ces objectifs politiques. «Dans certains cas, les responsables militaires russes sont en fait subordonnés au commandement de Wagner», a de son côté affirmé John Kirby. Et d'ajouter:
Prigojine doit prendre ses ambitions politiques très au sérieux, car tout cela a un coût. Jeudi, John Kirby a également indiqué que le chef de Wagner dépense plus de 100 millions de dollars américains par mois pour financer les opérations de son groupe en Ukraine. (asi)