Une vingtaine de jours avant l'expiration de l'accord d'exportation de céréales entre la Russie et l'Ukraine, Moscou a suspendu sa décision «pour une durée indéterminée», bloquant ainsi l'exportation de céréales. Le Kremlin a justifié cette suspension par l'attaque navale ukrainienne contre la base navale russe de Sébastopol qui a lieu samedi matin, très tôt.
Lors de cette mission, jusqu'à trois navires de guerre russes auraient été endommagés. Des analystes militaires internationaux ont estimé que la frégate Amiral Makarov, qui remplaçait le «Moskva» coulé par les Ukrainiens, avait subi de graves dommages.
Le ministère russe de la Défense a en revanche indiqué que les attaques avaient été en grande partie repoussées et que seul un dragueur de mines avait subi des dommages plus légers.
Comme lors du sabotage du pont de Kertch, l'Ukraine n'a pas revendiqué la responsabilité de l'acte. En revanche, des sources ukrainiennes ont fait circuler des vidéos montrant la prétendue attaque, sur les réseaux sociaux au cours du week-end.
Indépendamment de sa signification militaire, l'attaque contre la flotte russe de la mer Noire a une nouvelle fois fait du commerce mondial de céréales un enjeu pour le maître du Kremlin, Vladimir Poutine.
L'Ukraine a qualifié de ridicules les inquiétudes officielles de la Russie en matière de sécurité concernant la poursuite des exportations de céréales. Le corridor maritime pour les navires céréaliers se trouve à plus de 200 kilomètres des explosions à Sébastopol, a tweeté le ministre ukrainien des Affaires étrangères Dmytro Kuleba:
By suspending its participation in the grain deal on a false pretext of explosions 220 kilometers away from the grain corridor, Russia blocks 2 million tons of grain on 176 vessels already at sea — enough to feed over 7 million people. Russia has planned this well in advance 1/2
— Dmytro Kuleba (@DmytroKuleba) October 30, 2022
Le président Zelensky a été dans le même sens lors de son habituelle allocution en vidéo:
De nombreux pays occidentaux ont réagi avec la même indignation. Le représentant de l'UE pour les affaires étrangères, Josep Borrell, a ainsi critiqué le fait que la suspension de l'accord d'exportation mettait en péril «la principale voie d'acheminement des céréales et des engrais dont nous avons un besoin urgent» et qui permettrait de désamorcer la crise mondiale de la faim provoquée par la guerre en Ukraine.
Le secrétaire d'Etat américain Antony Blinken a appelé les deux belligérants à maintenir «cette initiative essentielle et salvatrice en état de marche». Samedi, le président américain Joe Biden avait déjà qualifié l'action russe de «révoltante» et souligné qu'elle conduirait à une augmentation de la faim dans le monde.
La ministre allemande des Affaires étrangères Annalena Baerbock a également critiqué la réaction de la Russie aux attaques de bateaux:
Millionen Menschen auf der Welt hungern, und Russland riskiert erneut die Sicherheit von Getreideschiffen. Das muss aufhören. Wir fordern Russland auf, die Zusagen an die internationale Gemeinschaft wieder einzuhalten. 1/2
— Außenministerin Annalena Baerbock (@ABaerbock) October 30, 2022
Le ministère turc des Affaires étrangères a annoncé, dimanche soir, qu'il souhaitait jouer un rôle de médiateur des deux côtés afin de permettre la poursuite des exportations de céréales. Il est prévu de poursuivre, lundi ou mardi, les inspections des navires céréaliers en attente devant Istanbul.
L'accord sur les céréales conclu cet été sous la médiation de la Turquie et de l'ONU a permis de mettre fin au blocus russe des ports d'exportation de céréales ukrainiens qui durait depuis des mois. Selon les données turques, 9,3 millions de tonnes de céréales ont été expédiées depuis lors. Les bateaux sont contrôlés à chaque fois qu'ils traversent le détroit du Bosphore.