Après la base aérienne de Saki et le pont du détroit de Kertch, frappés respectivement en août et en octobre, la Crimée a de nouveau été le théâtre d'une attaque: dans la nuit de vendredi à samedi, des explosions ont retenti dans la baie de Sébastopol, qui abrite la base principale de la flotte russe de la mer Noire.
Selon les autorités russes, la flotte a été frappée par des drones. Il s'agirait même de la l'attaque la plus massive de ce type que la baie de Sébastopol ait jamais connu, a affirmé le gouverneur de la ville.
Neuf engins aériens et sept drones maritimes ont été utilisés, a affirmé le ministère russe de la Défense, qui a ajouté que tous les projectiles ont été neutralisés. Seul le dragueur de mines Ivan Golubets et un barrage flottant auraient été partiellement endommagés. Les images circulant sur les réseaux sociaux montrent autre chose.
Comme le rapporte le média spécialisé The Drive, l'armée ukrainienne a publié des vidéos tournées à bord de plusieurs drones maritimes utilisés lors de l'attaque. Il s'agit de drones kamikazes, à savoir de petits bateaux chargés d'explosif qui foncent vers leur cible et explosent en la touchant. Une première vidéo montre l'un de ces engins en train de se frayer un chemin parmi les coups tirés par les défenseurs russes:
Unbelievable footage from one of the marine drones used in the attack on Russia’s Black Sea Fleet in Sevastopol.
— James Waterhouse (@JamWaterhouse) October 29, 2022
(Via Ukrainian journalist Andriy Tsaplienko)
Full story: https://t.co/YdtcFELiSy pic.twitter.com/Nw5YbHeQMU
Mais c'est la deuxième qui révèle ce qui était probablement la véritable cible de l'attaque. Tournées de nuit, les images montrent le petit vaisseau suicide foncer vers un imposant navire de guerre: la vidéo s'arrête au moment où le drone est censé toucher sa cible et, par conséquent, exploser:
Video from the cameras of marine drones that attacked ships of the Russian Black Sea Fleet in the Sevastopol Bay on October 29. According to the Russian Defense Ministry, 9 UAVs and 7 marine unmanned vehicles were involved in the attack. 1/2 pic.twitter.com/5lEmeV1HJw
— Paul Jawin (@PaulJawin) October 29, 2022
Le vaisseau qu'on voit dans la vidéo est une frégate de classe Amiral Grigorovitch. La flotte russe de la mer Noire en compte trois, selon l'«Institute for the Study of War» (ISW). L'une d'elle, l'Amiral Makarov, est le navire amiral de la flotte. Son prédécesseur, le Moskva, avait été coulé en avril.
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Selon plusieurs analystes et internautes adeptes de renseignement d'origine open source (sources ouvertes), c'est bien l'Amiral Makarov qu'on voit dans la vidéo. Pour le prouver, ils ont comparé les images avec des photos plus anciennes du navire: plusieurs détails correspondent.
A l'heure actuelle, on ne sait pas si l'Amiral Makarov a été effectivement endommagé. Les responsables russes n'ont rien dit à ce sujet. Pourtant, comme le rappelle l'ISW, le ministère russe de la Défense avait nié tout dommage au croiseur Moskva lorsque les forces ukrainiennes l'ont coulé le 14 avril.
Tout comme le Moskva, le Makarov est une cible hautement symbolique. Si l'attaque est confirmée, résume Naval News, cela signifierait que l'Ukraine, un pays dépourvu de marine militaire, a été capable de tirer deux fois en quelques mois sur le navire amiral d'une puissante force navale.
L'Amiral Makarov ne revêt pas uniquement une grande importance symbolique: ce navire est également capable de tirer des missiles de croisière Kalibr. La décision de le frapper répond donc à des considérations très concrètes et est logique, explique l'ISW, notamment au vu des bombardements que Moscou mène depuis quelques semaines contre les villes et les infrastructures énergétiques ukrainiennes. Pas plus tard que ce lundi matin, plus de 50 missiles ont été lancés sur le pays.
Un point de vue partagé par l'analyste Mick Ryan, qui écrit que Kiev réduit la capacité des Russes à lancer des missiles sur l'Ukraine depuis la mer.
Plus généralement, l'attaque contre Sébastopol met en lumière les éléments suivants, poursuit l'auteur et ancien officier dans une publication Twitter:
En définitive, les forces ukrainiennes utilisent efficacement les peu de moyens à leur disposition face à un adversaire beaucoup plus équipé, du moins en mer, conclut Naval News. Il s'agit de ce que les experts appellent la guerre asymétrique.
Il est finalement intéressant de souligner que l'Ukraine n'a pas encore revendiqué la responsabilité de l'attaque. Même ses comptes officiels sur les réseaux sociaux, d'habitudes bavards et irrévérencieux, sont restés silencieux. La Russie a dénoncé un «acte terroriste» mais, comme le rappelle l'ISW, les attaques contre des navires militaires en temps de guerre sont des actes militaires légitimes. (asi)