L'entourage du Kremlin place de grands espoirs dans Sahra Wagenknecht et le parti qui porte son nom en Allemagne, Alliance Sahra Wagenknecht (BSW). C'est ce qui ressort de documents russes confidentiels obtenus par le magazine politique Kontraste de la chaîne ARD et l'hebdomadaire Die Zeit.
Membre du parti communiste est-allemand à la chute du mur de Berlin, Sarah Wagenknecht est la nouvelle égérie de la gauche dans les territoires de l'ancienne République démocratique-allemande (RDA). Opposé à l'aide militaire à l'Ukraine, favorable à une «paix» rapide avec la Russie, hostile aux idées wokes, son parti a réalisé les meilleurs scores à gauche lors des élections régionales de septembre en Thuringe et en Saxe.
Selon les documents précités, des analystes russes considèrent Sarah Wagenknecht comme une alliée importante contre les «forces anti-russes» en Allemagne et en Europe et recommandent de nouer des contacts plus étroits avec elle.
Les documents ont été rédigés par l'Académie des sciences de Russie. Ce think tank placé au sommet de l'Etat publie régulièrement des analyses sur la situation politique en Allemagne. Une partie de ces documents peut être consultée publiquement, mais il existe également des parties additionnelles secrètes, dont des médias allemands ont pu prendre connaissance.
Dans ces documents, on peut lire que c'est surtout en ex-Allemagne de l'Est qu'il faudrait «accentuer la pression, afin d'attiser la peur des citoyens allemands à l'idée d'un éventuel conflit entre l'Otan et la Fédération de Russie». Des politiques allemands, tels le ministre de la Défense Boris Pistorius (social-démocrate) et la députée Marie-Agnes Strack-Zimmermann (libérale) y sont dépeints comme des provocateurs à l'égard de Moscou. Tout sauf des alliés, donc..
Ce ne sont pas des sentiments amicaux envers la Russie, mais la peur, qui peuvent inciter de nombreux électeurs à voter «pour les partis qui ont de bonnes chances d'obtenir à l'avenir un tiers des sièges au Bundestag (la Chambre basse allemande)». Les partis en question sont manifestement l'extrême droite AfD et le BSW, fortement implantés en ex-RDA, mais qui se développent dans le reste de l'Allemagne aussi.
Alors que Sarah Wagenknecht est considérée comme une partenaire potentielle dans l'entourage du Kremlin, l'AfD est vue avec des sentiments mitigés. Une éventuelle prise de pouvoir du parti par Björn Höcke, l'homme fort de Thuringe, la plus radicale des figures du parti d'extrême-droite, est jugée inquiétante. S'agissant du SPD, les analystes russes voient en Rolf Mützenich, président du groupe parlementaire social-démocrate au Bundestag, quelqu'un pouvant incarner agir en faveur d'une une politique étrangère plus axée sur la paix.
Le chancelier Olaf Scholz passe quant à lui, toujours selon ces documents, pour «le moins mauvais des méchants», autrement dit comme le moins hostile des anti-Russes, car il n'a jusqu'à présent pas livré de missiles de croisière Taurus à l'Ukraine.
La Russie appréhende d'ailleurs un possible changement de majorité en Allemagne: si Friedrich Merz, le leader de la CDU (centre-droit, opposition) devenait chancelier l'année prochaine, les relations germano-russes risqueraient de se «détériorer davantage encore».
Les documents russes vus par la chaîne ARD et Die Zeit indiquent des tentatives russes visant à approfondir les contacts avec des fondations politiques en Allemagne. La Friedrich-Ebert-Stiftung, proche du SPD, est notamment considérée comme un possible soutien en vue d'une politique de paix. Mais la classification de cette fondation comme «organisation indésirable» en Russie forme un obstacle pour lier de potentiels contacts. Les Verts, eux, n'intéressent en rien la Russie