Une fois terminée, elle fera quelque 720 kilomètres de long, soit deux fois la distance entre Saint-Gall et Genève. On parle de la ligne de chemin de fer que la Russie est actuellement en train de bâtir dans les zones occupées d'Ukraine.
👉 Suivez en direct la guerre contre l'Ukraine 👈
La ligne ferroviaire doit relier Rostov-sur-le-Don, centre logistique stratégique de l'armée russe, à Sébastopol, en Crimée. En passant par les régions de Donetsk, Zaporijia et Kherson, partiellement ou totalement contrôlées par Moscou. Elle fera notamment halte dans les villes ukrainiennes de Marioupol, Berdiansk et Melitopol.
Le premier tronçon, reliant Rostov à Berdiansk, a récemment été terminé. C'est ce qu'a annoncé Vladimir Poutine le 18 mars dernier, au lendemain de sa victoire annoncée aux élections présidentielles. «La construction est presque achevé», lui a fait écho, deux semaines plus tard, le chef du renseignement militaire ukrainien (GUR), Kyrylo Boudanov, à la télévision d'Etat.
Les travaux ont commencé il y a plus d'une année, en mai 2023, et avancent à un «rythme inhabituellement soutenu», rapporte le Temps. Ils consistent à rétablir des lignes détruites par les combats, ainsi qu'à en bâtir de nouvelles.
Selon les autorités ukrainiennes, cette nouvelle ligne ferroviaire doit servir d'alternative au pont de Crimée, régulièrement visé par des attaques ukrainiennes. Seul point reliant la Russie à la péninsule annexée, l'ouvrage a été sérieusement endommagé à deux reprises depuis le début de la guerre.
«Les Russes ne sont pas satisfaits de ce qui se passe avec le pont de Crimée», a affirmé le porte-parole du GUR, Andriy Yousov, à la télévision ukrainienne. En raison des attaques, celui-ci «n'est pas totalement opérationnel», a-t-il ajouté.
Andriy Yousov a rappelé que le chemin de fer est le principal moyen utilisé par les forces russes pour déplacer hommes et matériel. «Depuis des décennies, les chemins de fer constituent l'épine dorsale des approvisionnements militaires et commerciaux de la Russie», écrivait le magazine Foreign Policy peu après le début de la guerre.
La preuve en est que l'armée russe est la seule à disposer d'un service spécifiquement consacré à la protection et à l'entretien des lignes de chemin de fer pendant les combats, connu sous le nom de «troupes ferroviaires» (zheleznodorozhniye voiska). Une stratégie qui a ses limites, selon Foreign Policy:
Une ligne ferroviaire opérationnelle qui dessert le théâtre des opérations est, par conséquent, vitale pour Moscou. Mais son importance n'est pas uniquement militaire. En reliant la Russie aux régions occupées, cette voie de communication constitue un pas important dans leur intégration à la «mère patrie», analyse le Temps. Elle est également «censée «illustrer l’irréversibilité des conquêtes russes en Ukraine», complète le quotidien.
Une mission symbolique clairement affichée dans le nom de la compagnie ferroviaire que le Kremlin a créée pour gérer la nouvelle ligne: «Novorossiya Railroads», soit «Chemins de fer de Nouvelle-Russie», en français.
Ce terme fait référence à l'union politique des russophones situés hors des frontières actuelles de la Fédération de Russie: un projet d'Etat englobant le Sud et l'Est de l'Ukraine, ainsi que les régions moldaves de Transnistrie et de Gagaouzie. Théorisé en 2014 dans le cadre de la guerre du Donbass, ce concept coïncide désormais avec les objectifs militaires du Kremlin, qui a annexé les quatre régions ukrainiennes censées faire partie de la Nouvelle-Russie en octobre 2022.
Ce qui est sûr, c'est que les Ukrainiens n'ont aucune intention de rester les bras croisés pendant que Poutine achève la construction de la ligne. Kyrylo Boudanov a affirmé que l'opération pose un «sérieux problème» pour Kiev. Il a ajouté que l'Ukraine devrait être en mesure de le résoudre, sans ajouter plus de détails.
Son porte-parole a été plus explicite. La nouvelle voie ferrée constitue «une cible importante» pour les forces ukrainiennes, a annoncé Andriy Yousov.
Les Russes doivent donc s'attendre à des attaques ciblant la nouvelle ligne. D'autant plus que les Ukrainiens ont déjà une certaine expérience en la matière: les attentats contre l'infrastructure ferroviaire font partie du répertoire des pratiques de guérilla et de sabotage utilisées contre l'envahisseur depuis le début de la guerre.
Comme le rapporte le New York Times, les Ukrainiens sont déjà parvenus à faire exploser plusieurs trains de marchandises transportant des armes et de munitions, sur leur territoire ainsi qu'en Russie.