Au cours du mois qui vient de s'écouler, au moins sept attaques de drones ont frappé le territoire russe, parfois à deux jours d'intervalle. Les cibles étaient toujours les mêmes: des raffineries et des entrepôts de carburant. Le coupable présumé, un seul: l'Ukraine. Kiev a déjà mené plusieurs attaques de l'autre côté de la frontière depuis le début de la guerre, sans jamais les revendiquer officiellement.
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Avec le style énigmatique et ironique qu'on leur connaît, les autorités ukrainiennes ont laissé planer le doute, une fois de plus. De telles opérations sont «tout à fait possibles», s'est contenté d'affirmer Kyrylo Boudanov à CNN. Dans une interview publiée mercredi, le chef du renseignement militaire (GUR) a laissé entendre que ces attaques pourraient se multiplier.
Ce n'est pas la première fois que des infrastructures énergétiques russes sont bombardées, mais la récente vague d'attaques va beaucoup plus loin. Jusqu'à présent, les cibles se trouvaient surtout dans les régions limitrophes de l'Ukraine, ou en Crimée.
Cette fois-ci, elles sont plus éloignées: dans la nuit de mardi à mercredi, une forte explosion a secoué un dépôt de carburant à Saint-Pétersbourg. C'est la première fois que la deuxième ville de Russie, située à près de mille kilomètres de la frontière ukrainienne, est atteinte. Une opération menée par le GUR, assurait mercredi à l'AFP une source anonyme au sein de cette structure. Quelques jours plus tôt, un incendie a ravagé le terminal pétrolier d'Oust-Louga, à une centaine de kilomètres de là.
La guerre semble donc s'étendre à l'arrière-pays russe, et plus seulement aux zones frontalières. «Aujourd'hui, les civils russes voient enfin le vrai visage de la guerre», a encore affirmé Kyrylo Boudanov.
Importer la guerre en Russie ne serait, pourtant, pas le seul objectif de ces attaques. Ni même le principal. C'est, du moins, ce qu'assure une analyse publiée par le centre de réflexion Atlantic Council. Cette campagne de drones, affirme le texte, vise d'abord à «porter un coup économique douloureux au régime de Poutine».
L'économie russe dépend fortement du secteur de l'énergie, poursuit l'analyse. Or, l'industrie pétrolière et gazière russe s'est jusqu'à présent montrée remarquablement résistante aux sanctions occidentales, les pays du Sud se substituant aux Etats européens qui se sont retirés. En frappant directement les infrastructures énergétiques, Kiev «espère réussir là où les sanctions ont échoué» et entraîner «des coûts paralysants» pour le Kremlin.
Les dégâts des dernières attaques sont, parfois, énormes. Le 19 janvier, un drone s'écrasait contre une installation de stockage située dans la ville de Klintsy. L'incendie déclenché par l'impact a embrasé quatre réservoirs de pétrole et s'est étendu sur une surface de plus de 1000 mètres carrés.
Les attaques auraient également un objectif purement militaire: perturber les réseaux logistiques qui approvisionnent les troupes russes en Ukraine et réduire leur mobilité dans le pays, poursuit l'analyse. En d'autres termes, «entraver l'invasion».
La multiplication des frappes en Russie reflète les difficultés rencontrées par les forces ukrainiennes sur le champ de bataille. Non seulement la contre-offensive de Kiev a échoué, mais les troupes russes ont repris l'initiative dans de nombreux endroits. L'avenir tout sauf certain de l'aide militaire internationale, ainsi qu'une pénurie de munitions, fait que «les troupes de première ligne sont de plus en plus dépassées».
Dans cette optique, les frappes de drones à l'intérieur de la Russie «offrent à l'Ukraine l'occasion de sortir de l'impasse et de saper la machine de guerre de Poutine».
Pas surprenant, dès lors, que les autorités ukrainiennes souhaitent incrémenter le rythme de ces attaques, comme l'a implicitement suggéré Boudanov. Les ressources ne manqueraient pas. Depuis le début de la guerre, le pays a réussi à développer une «impressionnante» industrie de drones, commente l'Atlantic Council. Qui ajoute:
Et, mauvaise nouvelle pour le Kremlin, «l'immensité de la Russie et la taille de son industrie énergétique» font qu'il est «pratiquement impossible» de défendre toutes les cibles potentielles. D'autant plus que de nombreux systèmes de défense aérienne ont été déployés en Crimée ou en Ukraine depuis le début de la guerre.
Si la campagne de bombardement ukrainienne continue à prendre de l'ampleur, les chefs militaires russes pourraient se trouver face à un dilemme: réduire la protection des soldats en Ukraine ou laisser les infrastructures critiques en Russie exposées à des attaques potentielles.
«Jusqu'à présent, les frappes de drones ukrainiens étaient de trop faible ampleur pour nuire sérieusement à l'effort de guerre russe», poursuit l'analyse. Et de conclure: