Feu sur Olaf Scholz. Le chancelier allemand n’est pas à la fête dans la presse de son pays. L’extrême prudence du social-démocrate face à la Russie, contrastant avec les déclarations d’Emmanuel Macron «n’excluant rien» à propos de la guerre en Ukraine, lui vaut une remontée de bretelles dans les médias d’outre-Rhin. En déclarant qu’il n’enverra pas de soldats allemands en Ukraine, qu'il ne livrera pas de missiles Taurus d'une portée de 500 kilomètres, «Scholz trace des lignes rouges pour l'Occident, pas pour Poutine, qui attaque l'Ukraine et met le feu en Transnistrie», écrit le quotidien berlinois Tagesspiegel , dans un commentaire au vitriol signé Daniel Friedrich Sturm.
«En s’opposant ainsi à Macron, Scholz affaiblit l’Occident» ajoute l’éditorialiste, trois jours après la conférence de soutien à l’Ukraine, qui a réuni, lundi, à Paris, une vingtaine de dirigeants internationaux, parmi eux Olaf Scholz et, bien sûr, le président français.
L’Allemagne n’est pas seule à refuser d’envisager l’envoi de soldats en Ukraine. Tous les partenaires occidentaux disent partager cette position suite aux paroles d’Emmanuel Macron, jugées maladroites. Mais ce n’est pas tant son refus que sa manière sèche de contredire le chef de l’Etat français qu’on reproche au chancelier dans les médias allemands. Ce faisant, il expose au grand jour les divisions entre deux piliers de l’Union européenne sur une sujet majeur.
Editorialiste à l’hebdomadaire Der Spiegel, Marina Kormbaki livre un constat en forme d'avis de décès:
Beaucoup soulignent la «rivalité» opposant Emmanuel Macron à Olaf Scholz, comme si on avait affaire à deux coqs de bassecour. Alors que la guerre fait rage en Ukraine, les deux hommes en prennent pour leur grade sous la plume de la journaliste du Spiegel:
Les commentateurs allemands ne sont pas dupes. Ils savent que la prudence dont fait preuve Olaf Scholz sur un thème aussi sensible que la guerre, convient très certainement à une majorité d’Allemands. Plus encore aux Allemands des Länder de l’ex-Allemagne de l’Est, où demeure un lien spécial avec la Russie, ex-puissance tutélaire du temps de l’URSS.
Dans son éditorial du Tagesspiegel, Daniel Friedrich Sturm qualifie Olaf Scholz, ce n’est pas spécialement un compliment dans le contexte russo-ukrainien, de «Friedenskanzler», de chancelier de la paix, allusion à Gerhard Schroeder, son prédécesseur au début des années 2000, appelé ainsi pour s’être opposé à la participation de l’Allemagne à la deuxième guerre d’Irak menée par les Etats-Unis et le Royaume-Uni en 2003. Mais à l’époque, l’entente franco-allemande était autrement gaillarde, emmenée par ces deux bons vivants qu’étaient Jacques Chirac et Gerhard Schroeder.
Olaf Scholz serait plutôt du genre à rire quand il se brûle. C’est un pudique. Un homme réservé. Conforme au cliché des Allemands du Nord – il est de Hambourg, dont il a été le maire. «Il n’est pas comme Emmanuel Macron, qui se projette dans la politique internationale. Olaf Scholz se projette dans la politique intérieure. Et il a beaucoup à faire avec sa coalition tripartite. Sa position modérée face à la Russie s’explique aussi par la proximité des prochaines élections législatives en Allemagne, en 2025», note Tobias Koepf, spécialiste des relations franco-allemandes, joint par watson.
Directeur de projet à la Fondation Genshagen, située près de Berlin, Tobias Koepf relève «un certain égoïsme, tant chez Emmanuel Macron que chez Olaf Scholz, un égoïsme qu’on retrouve au niveau des deux Etats».
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