En mars, le groupe de pirates informatiques pro-ukrainien Network Battalion 65' a piraté la société nationale de télévision et de radio russe (VGTRK) et s'est emparé de près d'un million d'e-mails. Début avril, les données, qui comprennent la correspondance des 20 dernières années, ont été rendues publiques sur la plateforme de révélation Distributed Denial of Secrets (DDoSecrets).
Aric Toler, un journaliste du réseau de recherche néerlandais Bellingcat, a, entre-temps, creusé une petite partie de la montagne de données et déniché quelques perles. Comme il l'écrit, cela devrait prendre «un temps très, très long» pour passer en revue toutes les données. Néanmoins, il a déjà posté quelques échantillons sur Twitter. Il ne s'agit pas, pour l'instant, de secrets d'Etat explosifs, mais la vaste fuite de données au sein du plus grand groupe médiatique d'Etat de Russie – le bras de propagande du Kremlin – permet, entre autres, un aperçu inhabituel de la communication entre le cercle du pouvoir de Poutine et les médias fidèles au Kremlin.
Les e-mails montrent que les médias d'Etat russes tentent de faire passer les informations des médias occidentaux pour des mensonges en citant de faux rapports provenant de chaînes Telegram douteuses qui produisent pourtant elles-mêmes de fausses nouvelles sur le tapis roulant.
Au milieu de l'année 2020, 78% des Russes auraient voté en faveur de la réforme constitutionnelle. Poutine pourrait désormais gouverner jusqu'en 2036, à condition de remporter deux élections.
Les médias d'Etat russes veillent apparemment à ce que leurs collaborateurs soient vaccinés, tandis que leurs médias de propagande RT DE et Sputnik ont diffusé à grande échelle en Occident des récits de complot anti-Covid.
Plusieurs pays européens voulaient exclure directement la Russie de l'ESC 2022. Selon un courriel, la représentation suisse aurait proposé, comme compromis, une renonciation volontaire de la Russie. Les Russes n'ont pas donné suite à cette proposition.
La société de télévision et de radio d'Etat VGTRK est au cœur du système de propagande de Poutine. En ce sens, le piratage de VGTRK est sans aucun doute une mise à nu colossale des médias et de la propagande étatiques. Il ne s'agit pas du piratage d'un seul média, mais de la démonstration de la machine de propagande du Kremlin.
Reste à savoir si les 900 000 e-mails contiennent des informations explosives susceptibles de mettre en difficulté Poutine, les apparatchiks du Kremlin et les oligarques russes. C'est comme chercher une aiguille dans une botte de foin et cela devrait prendre des mois pour tout passer au crible.
La fuite de données du groupe de médias public VGTRK n'est pas seulement une mine d'or potentielle pour les journalistes russophones. Les données de contact telles que les numéros de téléphone portable personnels des élites russes pourraient également être utilisées par les services secrets étrangers, par exemple pour introduire des logiciels espions sur les smartphones d'hommes politiques, de militaires ou de dirigeants économiques russes importants. Les services secrets ukrainiens pourraient également en profiter.
Selon d'anciens employés du VGTRK, les responsables du Kremlin dictent aux rédactions de quelle manière la guerre doit être couverte et quelles informations doivent être utilisées afin de discréditer l'Ukraine. Les chaînes de télévision auraient mis sur liste noire les experts qui ne correspondent pas à la ligne du parti. Selon un ancien cameraman de télévision, la blague préférée des présentateurs de journaux télévisés avant les directs avec les correspondants est de dire: «Maintenant, c'est ton tour de mentir».
Le groupe de médias VGTRK comprend, entre autres, les plus grandes chaînes de télévision et de radio du pays ainsi que plus de 80 chaînes de télévision et de radio régionales. Selon ses propres dires, VGTRK atteint 98,5% de la population russe avec ses différents médias. Chez nous aussi, la chaîne de télévision controversée RT DE et le «portail d'information alternatif» Sputnik sont très appréciés dans les milieux conspirationnistes et «dissidents».
Le groupe de hackers responsable de la fuite du VGTRK, Network Battalion 65', a cité la guerre d'agression russe contre l'Ukraine comme motif du vol de données. NB65 et d'autres groupes de pirates informatiques pro-ukrainiens ont récemment piraté des entreprises proches du Kremlin et des autorités russes presque tous les jours.
Les données capturées sont mises à la disposition du public dans un emplacement central sur la plateforme en ligne DDoSecrets. Derrière le site de dénonciation se trouvent des activistes de la transparence comme la journaliste américaine Emma Best, qui a fait parler d'elle dans le monde entier suite à son travail pour Wikileaks avec le fondateur Julian Assange.
(Traduit de l'allemand par mndl)