Vladimir Poutine a annoncé la «mobilisation partielle» le 21 septembre. Le 17 octobre, il avait affirmé qu'environ 222 000 hommes avaient été recrutés, sur les 300 000 initialement prévus. Une deuxième vague de recrutements ne serait pas en vue, et la ville de Moscou a même fermé ses centres de mobilisation, estimant qu'elle avait envoyé son quota de soldats.
La réalité pourrait être différente. Les témoignages d'activistes locaux suggèrent que le nombre réel d'hommes mobilisés est bien supérieur à 300 000, rapporte Foreign Policy. Le magazine rappelle que les minorités ethniques et les migrants d'Asie centrale sont surreprésentés dans les rangs des soldats recrutés.
Des chiffres précis n'existent pas, mais les informations qui circulent à ce sujet dans les médias et sur les réseaux sociaux laissent peu de place au doute. D'autant plus que cette stratégie constitue la suite logique de l'idéologie impériale développée aux 18e et 19e siècles, poursuit Foreign Policy.
Une chose est sûre. Cette mobilisation inégale vis-à-vis des minorités ethniques provoque de graves fractures sociales en Russie, et finit par desservir davantage les populations plus pauvres et isolées. C'est ce que soutient le centre de réflexion américain Institute for the Study of War (ISW), qui cite l'exemple d'un accident survenu récemment dans un champ d'entraînement situé dans la région de Belgorod.
Samedi 15 octobre, lors d'une séance d'entraînement au maniement des armes, deux hommes ont ouvert le feu sur un groupe de volontaires. Avant d'être abattus, les tireurs ont tué onze personnes. Quinze autres ont été blessées, selon les informations diffusées par le ministère russe de la Défense.
Cet épisode est probablement une conséquence naturelle de la politique du Kremlin consistant à utiliser les minorités ethniques pour supporter le poids de la guerre, analyse l'ISW: des sources russes ont imputé la fusillade à deux citoyens russes d'origine tadjike, qui avaient été mobilisés de force.
En Russie, la fusillade de Belgorod a suscité une vague de xénophobie contre les migrants d'Asie centrale et d'autres groupes sociaux minoritaires.
Le président du parti pro-Kremlin «Russie juste», Sergueï Mironov, a publié le 18 octobre une longue critique xénophobe de la politique migratoire de la Russie. Il accuse les commissaires militaires de laisser entrer dans les forces armées des personnes dangereuses pour la sécurité du pays. Autrement dit, des migrants d'Asie centrale.
Dans une publication Telegram, Sergueï Mironov accuse l'armée d'avoir laissé les portes «grandes ouvertes aux visiteurs d'Asie centrale». Sa vision est très claire:
Le politicien russe ne s'arrête pas là et a proposé un moratoire sur l'octroi de la citoyenneté russe aux citoyens du Tadjikistan.
Les appels de Sergueï Mironov en faveur d'une réforme de l'immigration démontrent le rôle que la mobilisation partielle a apparemment joué en catalysant les divisions ethniques, le racisme et la xénophobie dans l'espace intérieur russe, en particulier à l'encontre des minorités ethniques, poursuit l'analyse de l'ISW.
Fait intéressant, parmi les onze personnes tuées à Belgorod, au moins trois venaient de régions périphériques. (asi)