Une fois de plus. Les Etats-Unis ont porté un nouveau coup à l'oligarque russe Viktor Vekselberg. Leur ministère de la Justice a déposé une plainte pénale contre un important acolyte. Celui-ci aurait aidé Vekselberg à contourner les sanctions.
En 2018 déjà, les Etats-Unis ont surpris tout le monde en imposant des sanctions extrêmement sévères à Vekselberg. A présent, les Etats-Unis semblent poursuivre le milliardaire «suisse» Victor Vekselberg avec autant d'acharnement que s'il était particulièrement proche du président russe Vladimir Poutine.
En Suisse, cela peut surprendre. Vekselberg a, en effet, longtemps été considéré dans ce pays comme un homme d'affaires qui gardait autant de distance que possible avec Poutine. Il a lui-même cultivé cette image et déclaré un jour au Financial Times qu'il n'était devenu la cible des Etats-Unis que parce que:
Mais les Etats-Unis ont sans doute leurs raisons. Certains l'expliquent par la plainte pénale déposée contre ledit acolyte de Vekselberg, le membre du conseil d'administration de Züblin, Vladislav Osipov. Une autre raison possible se trouve dans le best-seller The road to unfreedom: Russia, Europe, America (Le chemin vers la non-liberté: Russie, Europe, Amérique, ouvrage non traduit en français) de l'historien américain Timothy Snyder. La Suisse y occupe une place centrale.
On rembobine. Des sanctions sévères ont été imposées à Vekselberg en 2018: Tous ses biens doivent être confisqués, aucune banque américaine ne peut effectuer de paiements pour lui. Rien que pour pouvoir utiliser son yacht de luxe Tango, Osipov aurait dû lever un «voile de fraude».
Un réseau de sociétés fictives a été créé, le superyacht Tango a même été rebaptisé Fanta. Des banques auraient ainsi été trompées et auraient effectué des transactions à leur insu pour Vekselberg et son yacht de luxe. Un mandat d'arrêt est désormais en cours contre l'acolyte Osipov. Il a dû renoncer précipitamment à son mandat chez Züblin.
Dans le même temps, le ministère de la Justice fait savoir ce qu'il pense de Vekselberg et de tous les oligarques russes: un «produit d'un écosystème de corruption». Et il menace les oligarques:
Mais pourquoi les Etats-Unis considèrent-ils d'ailleurs Vekselberg comme «l'ami de Poutine»? Vekselberg est un oligarque important en qui Poutine a confiance. C'est ce qu'on peut lire dans le best-seller de Snyder The road to unfreedom. C'est Vekselberg qui a joué un rôle important dans la redécouverte par Poutine du philosophe fasciste Ivan Ilyine.
Qui était Ilyine? Selon Snyder, il n'est pas le seul penseur fasciste à avoir été redécouvert à notre époque, mais il est le plus important. C'est surtout Poutine qui l'a redécouvert.
Ilyine est décédé en 1954 à Zollikon, dans le canton de Zurich, après avoir fui la Révolution russe d'abord en Allemagne, puis en Suisse. A l'époque, peu de gens connaissaient ses œuvres.
Les choses ont changé à partir de 2005: Poutine a fait en sorte que les restes d'Ilyine soient déterrés à Zollikon et ré-inhumés à Moscou. La cérémonie a été grandiose, Poutine y a participé en personne. Et cela a continué: Ilyine est devenu pour ainsi dire le philosophe préféré de Poutine.
Les principaux fonctionnaires russes ont tous reçu chez eux un exemplaire de Notre mission d'Ilyine. Poutine s'est référé à Ilyine dans ses discours importants. Lorsqu'on lui demandait de choisir un historien, il citait Ilyine comme son autorité. Très vite, la classe politique russe s'est mise à lire assidûment Ilyine.
Quelques mois après la nouvelle inhumation en grande pompe, les archives personnelles d'Ilyine ont également été rapatriées en Russie, des Etats-Unis vers la bibliothèque de l'Université d'Etat de Moscou.
C'est ce que l'on peut lire dans le livre Dans la tête de Vladimir Poutine du philosophe français Michel Eltchaninoff. Cette opération aurait été payée par quelques hommes d'affaires proches du Kremlin, notamment Viktor Vekselberg. «Certainement à la demande expresse du président.»
Et qu'a enseigné cet Ilyine? Pour les Occidentaux, il s'agit de théories confuses dans une œuvre gigantesque d'environ 40 livres. Synder décrit Ilyine comme un fasciste et résume ses enseignements en trois idées:
De tels enseignements sont évidemment très commodes pour un autocrate comme Poutine, qui est en fait en Russie quelque chose comme le chef du clan oligarchique au pouvoir. Synder demande ironiquement: «Quel brigand ne préférerait pas être appelé le sauveur?» (aargauerzeitung.ch/traduction et adaptation par sas)