Les réservistes et volontaires russes qui ont été engagés, il y a un an, dans le cadre de la mobilisation partielle ne survivent pas très longtemps. Une enquête menée par le réseau de recherche indépendant russe «Important Stories» en collaboration avec l'organisation d'enquête russe «Conflict Intelligence Team» (CIT) a révélé qu'une recrue sur cinq ayant perdu la vie n'avait même pas été en service pendant deux mois. Le plus jeune soldat n'avait que 19 ans, le plus âgé 62 ans.
La Russie avait annoncé en septembre 2022 l'engagement de nouveaux réservistes: 300 000 soldats au total auraient ainsi été convoqués. Selon le Moscow Times, Vladimir Poutine n'a pas encore officiellement déclaré la fin de cette mobilisation par décret.
La Russie publie rarement des chiffres officiels sur les morts dans la guerre contre l'Ukraine. Il aurait été question de 6000 soldats tombés l'année dernière, relate le Moscow Times. Des recherches indépendantes indiquent néanmoins 50 000 à 120 000 morts. Les collaborateurs bénévoles du CIT et de «Important Stories» se sont donc penchés sur les avis de décès dans les quotidiens et autres sources. Ils y ont trouvé d'innombrables avis mortuaires, comme le souligne l'article:
Au total, les enquêteurs ont analysé 3000 décès, mais le nombre total de morts est probablement bien plus élevé.
Environ 130 soldats sont morts au cours du premier mois suivant la mobilisation partielle. En moyenne, les combattants sont morts après 4,5 mois de service.
Les combats le long de la ligne Svatove-Kreminna à Lougansk auraient causé un nombre particulièrement élevé de pertes. L'Ukraine avait lancé des attaques sur ce tronçon de front de 60 kilomètres en octobre 2022, attaques qui se poursuivent encore aujourd'hui. Quand des soldats tombaient, ils étaient remplacés par des recrues, dont certaines n'ont survécu que quelques jours, précise le rapport de l'enquête.
Parmi les cas analysés, seuls quatre soldats ont combattu plus de onze mois avant d'être tués. La plupart des morts étaient âgés de 30 à 45 ans, un tiers avait entre 20 et 29 ans.
Comme les données se rapportent à des cas qui ont été rendus publics, les histoires derrière les chiffres sont également connues. Ainsi, le plus jeune soldat, Anton Getman, 19 ans, de Rostov, a été réengagé trois mois après avoir effectué son service militaire.
Il avait déclaré être volontaire lors d'un reportage télévisé russe et est mort peu de temps après. Le soldat le plus âgé mentionné par l'enquête était le major Nikolai Isakov de la région de Tver. Il a participé à la guerre pendant huit mois avant de mourir lors d'attaques menées par des partisans russes de la Freedom of Russia Legion et du Corps des volontaires russes près de Belgorod en juin.
Les récits des familles des soldats morts au combat montrent également un écart entre les chiffres officiels et ce qui est connu dans les villes d'origine des soldats. Ainsi, dans la nuit du Nouvel An 2023, 139 soldats de la région de Samara seraient morts lors d'une attaque ukrainienne sur un camp russe à Makiïvka, alors que le bilan officiel était de 89 morts. Le ministère russe de la Défense avait en outre déclaré que les soldats eux-mêmes étaient responsables de leur mort parce qu'ils avaient utilisé des téléphones portables et ainsi révélé leur localisation.
Selon le rapport, au moins 40 soldats mobilisés sont morts au cours du printemps et de l'été 2023 dans les combats près de Bakhmout. Les auteurs de Important Stories commentent:
Un an après le début de la mobilisation partielle, il s'avère que rien n'a changé pour les soldats mobilisés: mauvaise gestion des commandants, système de combat non structuré, pas de soutien d'artillerie. «Les problèmes systématiques avec les mobilisés ont persisté», écrit le CIT.
On aurait promis aux conscrits qu'ils pourraient rentrer chez eux au bout de six mois. Certains espéraient gagner rapidement de l'argent et peut-être une médaille. Aujourd'hui, beaucoup d'entre eux sont en mission depuis onze mois et n'ont jamais pu rentrer chez eux pendant cette période. «Ils [les dirigeants militaires] ont peur que s'ils envoient 100 personnes en vacances, seule la moitié d'entre elles reviennent».
Traduit et adapté de l'allemand par Léa Krejci