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Poutine a une immense soif de pouvoir

Poutine a une immense soif de pouvoir
Le président russe Vladimir Poutine marque de son empreinte la politique étrangère de la Russie et n'hésite pas à recourir à l'intervention militaire. image: imago images / imago images

Poutine a une immense soif de pouvoir et ses guerres passées le prouvent

Agressions militaires et opérations de déstabilisation font partie de l'arsenal de moyens utilisés par Vladimir Poutine pour recréer l'hyperpuissance russe sur les ruines de l'ex-URSS. Autopsie d'une ambition démesurée.
07.08.2022, 17:0008.08.2022, 08:45
Anne-Kathrin Hamilton
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Refaisons les présentations. Vladimir Poutine dirige la Russie depuis 2000 (avec une interruption entre 2008 et 2012). Auparavant, c'était un agent du KGB, les services secrets soviétiques. Il a même été basé quatre ans et demi en ex-Allemagne de l'Est, à Dresde. Il a vécu la chute du mur de Berlin, en 1989, et de l'URSS deux ans plus tard, comme une humiliation. Poutine est une boule de ressentiments.

Poutine n'hésite pas à utiliser des moyens militaires pour imposer son agenda. Preuve en est son agression de l'Ukraine, le 24 février dernier. Mais l'ancien espion maîtrise aussi la guerre psychologique à l'étranger.

Quels pays le président russe a-t-il déjà influencés pour faire valoir ses intérêts géopolitiques? A quels moyens recourt-il et quels enseignements peut-on en tirer pour l'Ukraine? watson en Allemagne s'est entretenu avec deux historiens spécialisés, Wolfgang Mueller et Stefan Creuzberger.

Géorgie, Syrie, Grande-Bretagne, Allemagne...

La liste des opérations militaires déclenchées par Vladimir Poutine est longue:

  • L'intervention en Géorgie en 2008, après que le pays a voulu se rapprocher de l'Occident.
  • Le soutien armé à son allié Bachar el-Assad en Syrie.
  • L'agression en deux temps de l'Ukraine: en 2014, dans le Donbass et en Crimée, en 2022, de façon totalement ouverte.

Et en février 2022 toujours, comme en douce, la Russie est intervenue militairement au Kazakhstan, une ex-république soviétique, pour y rétablir l'ordre. La décision du gouvernement kazakh d’augmenter le prix du gaz de pétrole liquéfié (GPL) avait provoqué des émeutes.

Pour Wolfgang Mueller, professeur d'histoire russe à l'Université de Vienne, les conséquences de l'intervention militaire russe au Kazakhstan sont compliquées à évaluer, car il s'agit d'opérations plus ou moins secrètes. Le secret, une grande spécialité russe. Il observe:

«Dans certains cas, il a été possible de remonter jusqu'à la Russie pour des cyberattaques, dans d'autres, l'ingérence russe est probable sur la seule base d'indices»
En 2008, des manifestants géorgiens protestent contre l'intervention militaire russe en Géorgie.
En 2008, des manifestants géorgiens protestent contre l'intervention militaire russe en Géorgie. image: imago / eastnews

Ingérence en faveur de Trump

Le spécialiste cite également des opérations secrètes en Ukraine, la cyberguerre de 2007 contre l'Estonie, l'ingérence électorale en faveur de Donald Trump lors des élections présidentielles américaines de 2016, le Brexit en Grande-Bretagne, ainsi que les attaques de pirates informatiques contre le Bundestag, la Chambre basse allemande, en 2015. Il est par ailleurs probable que plusieurs incidents survenus dans les Balkans comme dans l'espace post-soviétique portent la marque de la Russie.

«Il faut bien sûr aussi citer à la deuxième guerre de Tchétchénie, la république caucasienne membre de la Fédération de Russie. Commencée en 1999, menée de manière extrêmement brutale, elle a été officiellement déclarée terminée en 2009», relate Stefan Creuzberger, historien à l'Université de Rostock.

L'universitaire rappelle que la capitale tchétchène, Grozny, a été systématiquement détruite durant cette période, causant des pertes humaines par dizaines de milliers. La deuxième guerre de Tchétchénie signe les débuts l'ère Poutine.

«Poutine, lui, ne parle jamais de guerre, mais d'opérations, il a ainsi qualifié la guerre de Tchétchénie d'opération antiterroriste»
Stefan Creuzberger, historien à l'Université de Rostock
Une jeune fille regarde par-dessus le balcon d'un immeuble d'habitation détruit à Grozny, la capitale de la Tchétchénie.
Une jeune fille regarde par-dessus le balcon d'un immeuble d'habitation détruit à Grozny, la capitale de la Tchétchénie. image: imago / itar-tass

La Syrie, laboratoire de guerre avant l'Ukraine

«La Russie a testé en Syrie différentes tactiques militaires qui lui ont servi avant d'envahir l'Ukraine. La Syrie a été, à bien des égards, le théâtre d'une répétition générale», estime Stefan Creuzberger.

Guerre d'influence et opérations de déstabilisation

L'influence de Poutine dans des pays tiers s'exerce par bien des canaux, la politique, la diplomatie, les médias, les réseaux sociaux, les cyber-opérations et opérations de renseignement. Le financement d'organisations extrémistes favorables à la Russie fait partie de la panoplie, selon Wolfgang Mueller.

Poutine, l'as des réseaux
Poutine, l'as des réseaux image: imago / zuma wire / andre m. chang

La Russie n'hésite pas à soutenir les mouvements séparatistes et de provoquer des conflits afin de créer un prétexte pour une intervention militaire.

En matière de guerre psychologique, Poutine est passé maître dans l'art d'utiliser le potentiel des réseaux, de façon à influencer les opinions publiques occidentales, constate Stefan Creuzberger. Il fait appel pour cela à des pirates informatiques. Ou s'emploie à diffuser des fake news via les réseaux sociaux, les radios, les télés, les journaux. Résultat: il nourrit des conflits dans les sociétés qu'il cherche à déstabiliser.

Stefan Creuzberger cite l'exemple de l'Est russophone de l'Ukraine, où le président russe a tout fait pour créer des tensions. Il fait assaut de révisionnisme historique pour parvenir à ses fins. Il nie que l'Ukraine n'ait jamais été un Etat indépendant. «Poutine considère comme une erreur fondamentale le fait que Lénine ait accordé aux Ukrainiens le statut propre de république socialiste soviétique après la Révolution d'octobre en 1917», souligne Stefan Creuzberger.

Il déteste les démocraties

«Vladimir Poutine considère les démocraties libérales comme incapables de prendre des décisions et de tenir une direction», estime le professeur à l'Université de Rostock. Le président russe tente de mobiliser à son profit des franges de la population de ces démocraties contre leurs propres gouvernements.

«Poutine méprise les démocraties libérales et les Etats de droit»
Stefan Creuzberger, professeur à l'université de Rostock

Il mise pour cela sur l'influence que peuvent exercer des partis et organisations extrémistes. «En Allemagne, Poutine courtise surtout l'AfD et le parti de gauche Die Linke», explique Stefan Creuzberger. Il est intéressant de constater que les partis extrémistes, qu'ils soient de gauche ou de droite, affichent un nombre non négligeable de positions favorables à la Russie.

Make Russia Great Again

Pour Stefan Creuzberger, il est clair que Poutine veut rendre sa grandeur à la Russie:

«Il veut rétablir ce qui a été perdu avec la dissolution de l'Union soviétique le 25 décembre 1991: l'ancien statut de superpuissance de son pays»
Stefan Creuzberger, professeur à l'université de Rostock

Poutine souhaite que la Russie retrouve son statut de superpuissance.
Poutine souhaite que la Russie retrouve son statut de superpuissance. image: pool sputnik kremlin / pavel byrkin

En soutenant militairement Bachar al-Assad en Syrie, «Poutine a voulu éviter que l'Occident ne provoque un changement de régime en Syrie et qu'il perde ainsi une zone d'influence au Proche-Orient», analyse Stefan Creuzberger.

«Poutine est un pur produit des services secrets. Il a été formaté dans l'esprit du pouvoir soviétique et bercé dans le mythe de l'empire perdu. Il s'est exprimé une fois de manière très authentique à ce sujet. Ses paroles étaient caractéristiques de l'espion qu'il a été et qu'il est quelque part resté. Pour lui, la plus grande catastrophe géopolitique du 20e siècle a été la disparition de l'URSS et donc sa fin en tant que superpuissance. Poutine veut restaurer cette superpuissance. Pour ce faire, il n'hésite pas à utiliser des moyens d'une violence extrême: une situation vécue tous les jours par les Ukrainiens depuis le 24 février»
Stefan Creuzberger, professeur d'histoire à l'Université de Rostock

Poutine veut transformer l'Ukraine en Biélorussie 2.0

L'Histoire le montre: les ingérences de Poutine dans des pays tiers ont servi à maintenir ou à étendre l'influence de la Russie. Selon Wolfgang Mueller, l'objectif final et probable de la Russie pour l'Ukraine est de la transformer en Biélorussie 2.0, une dictature à la pointe du numérique, dépendant de Moscou. La grande crainte de Poutine est a contrario de voir l'Ukraine se rapprocher de l'Union européenne (UE) et de l'Organisation du traité de l'Atlantique nord (OTAN).

Selon Wolfgang Mueller, l'éclatement de l'Ukraine n'est pas un danger à écarter. Fin juillet, l'ancien président russe Dmitri Medvedev aurait publié sur la messagerie Telegram une carte montrant la majeure partie de l'Ukraine comme territoire de la Russie.

La guerre d'agression russe a toutefois provoqué un fort sentiment de solidarité avec l'Ukraine dans le camp occidental et un rapprochement entre l'OTAN et l'UE, ce à quoi Poutine ne s'attendait pas, explique Stefan Creuzberger. Des pays jusqu'ici neutres comme la Finlande et la Suède veulent désormais devenir membres du Traité de l'Atlantique Nord. C'est Poutine qui, par sa politique, se rapproche géographiquement désormais dangereusement de l'OTAN et non l'inverse.

Traduit de l'allemand par Léon Dietrich, adapté par amn.

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