Ilia Ponomarev a un objectif clair: s'emparer militairement du Kremlin. L'ancien député de la Douma vit désormais en exil en Ukraine, mais il espère que ses concitoyens le soutiendront:
L'opposant à Poutine se considère comme le porte-parole d'un groupe appelé Armée républicaine nationale (NRA). Il s'agirait de paramilitaires qui veulent renverser Poutine et qui mènent des attentats. Toutefois, l'importance de ce groupe est controversée. Il n'existe aucune confirmation indépendante de ses activités.
L'homme politique et ancien entrepreneur dans le domaine de la technologie a quitté la Russie en 2016 après avoir été accusé de détournement de fonds. Il avait également voté contre l'annexion de la Crimée et s'était brouillé avec le régime de Poutine. Aujourd'hui, Ponomarev se bat politiquement depuis l'Ukraine, tout en siégeant dans un parlement russe fantôme composé d'opposants qui se réunit en Pologne.
Il a récemment publié un livre dont le titre prouve qu'une solution diplomatique n'est pas sa priorité:
Il y réclame la chute de Poutine suivie d'élections libres.
L'homme en exil vient de réaffirmer clairement au Moscow Times que son objectif est le Kremlin. C'est de cette manière que la majorité des Russes pourraient être amenés sur une nouvelle voie.
Et il précise également qu'il ne veut pas se laisser influencer dans cette démarche. Pour Ponomarev, il n'y a pas d'alternative à un renversement par des moyens militaires. Selon lui, les Russes ont actuellement les mains liées et ne savent pas ce qu'ils peuvent faire.
La question est de savoir si les Russes le connaissent vraiment. «Le Russe moyen ne sait pas grand-chose de ce que fait Ponomarev en ce moment, car la propagande est très forte et il n'est pas dans l'intérêt de Poutine de le rendre populaire ou de faire de la publicité pour lui», explique à la chaîne al-Jazeera Natia Seskuria, Associate Fellow au Royal United Services Institute, un groupe de réflexion basé à Londres.
L'an dernier, le dissident a revendiqué avoir joué un rôle dans des attaques de drones sur Moscou et dans des attentats. Certains experts en doutent:
Malgré l'échec de la récente tentative de coup d'État d'Evgueni Prigojine en juin 2023, Ponomarev la considère comme positive. «En effet, Prigojine était la preuve de notre concept. Il a fait exactement ce que nous avions dit, et cela a fonctionné. C'est toujours possible». Pour Ponomarev, peu importe que les Russes soutiennent son projet ou non. Il veut combattre le pouvoir par le haut.
Il veut toutefois laisser aux républiques le soin de décider à quoi ressemblera la Russie une fois au pouvoir. Chacune d'entre elles se devra de décider si elle veut se séparer de la Fédération de Russie.
Il ne précise pas comment se dérouleront exactement le renversement de Poutine et la prise du Kremlin. «Je ne suis pas militaire», a-t-il rappelé au Moscow Times. Il a toutefois des contacts avec quatre bataillons de volontaires russes qui se battent aux côtés de l'Ukraine. Ceux-ci recevraient près de 1000 candidatures par mois. Son rôle au sein de l'Armée républicaine nationale n'est pas non plus très clair.
Il soutient cette organisation, mais n'en est pas membre. Il a ainsi publié un manifeste du groupe sur sa chaîne Youtube. Pour des raisons de confidentialité, il ne veut pas en dire plus. Douze de ses amis et collègues ont été victimes d'attentats au cours de sa carrière politique. En 2017, lorsqu'un député russe a été abattu alors qu'il se rendait à une réunion avec lui, le gouvernement de Kiev lui a offert sa protection.
La NRA a également revendiqué des attentats, notamment contre la fille de l'idéologue russe Alexandre Douguine et un blogueur militaire russe. La Russie avait en revanche mis en cause les forces spéciales ukrainiennes.
Ponomarev considère les auteurs des attentats comme des héros, mais lui-même ne serait pas actif. Il soutient néanmoins, comme la NRA, les attaques contre les personnes qui financent la guerre contre l'Ukraine, organisent la guerre en tant que fonctionnaires et possèdent des entreprises d'armement. S'attaquer aux familles de ces personnes est toutefois exclue, a-t-il ajouté.
D'autres dissidents de premier plan, comme l'ancien champion du monde d'échecs Kasparov, appellent à des actions plus pacifiques: par exemple, mettre les avoirs russes gelés à la disposition de l'Ukraine.
«Les leaders sont plus modérés parce qu'ils ont plus à perdre et sont généralement plus prudents. Je dirais donc qu'environ un tiers des dirigeants sont favorables à la résistance armée», estime-t-il. Il est néanmoins vu comme un outsider. L'équipe de l'opposant Alexey Navalny s'est brouillée avec lui lorsqu'il était encore député. Il considère toutefois l'ancien oligarque Mikhaïl Khodorkovski comme «son ami».
Il n'a cependant pas l'intention de prendre le poste de Poutine. «Je me vois plutôt comme le penseur derrière la transition politique». Il est actuellement à Londres, où a eu lieu l'interview, pour rencontrer des hommes politiques occidentaux.
Traduit et adapté par Nicolas Varin